Jacquelyn Wagner (Euryanthe), Norman Reinhardt (Adolar), Andrew Foster-Williams (Lysiart), Theresa Kronthaler (Eglantine), Stefan Cerny (le roi Louis), Eva-Maria Neubauer (la duchesse de Bourgogne), Orchestre symphonique de la radio de Vienne, Chœur Arnold Schoenberg, dir. Constantin Trinks, mise en scène : Christof Loy (Theater an der Wien, 12 et 15 décembre 2018).
Naxos 2.110656. Notice et synopsis en anglais et en allemand. Distr. Outhere.

Éditée également en CD chez Capriccio, cette version d'Euryanthe ne rachète malheureusement pas ses déficiences musicales par une mise en scène inventive ou à tout le moins efficace. Tout l'opéra se déroule dans une pièce profonde aux murs d'un blanc aseptisé, éclairée par quatre grandes baies vitrées côté jardin. Les seuls accessoires sont un piano à queue, un fauteuil en osier, un maigrichon squelette d'arbre et un lit côté cour où viennent s'asseoir ou se coucher tour à tour les principaux personnages. Ceux-ci vont et viennent sans logique apparente, au gré de la fantaisie de Christof Loy, qui ne réussit qu'à rendre encore plus bancale, voire absurde, une intrigue déjà suffisamment mal ficelée. En plus de rendre particulièrement grotesque le couple maudit (Eglantine et Lysiart), qui verse dans une outrance quasi expressionniste, le metteur en scène a l'idée saugrenue de faire chanter Lysiart complètement nu pendant toute la durée de son grand air du deuxième acte. Pour combler la mesure, Loy se contente le plus souvent d'aligner les choristes le long des murs et de leur demander de composer des expressions de plaisir béat ou de stupéfaction extrême. Seuls les costumes féminins aux larges jupes évasées des années 1950 ajoutent une note d'élégance à un spectacle bien terne.

Laissés à eux-mêmes sur le plan scénique, les solistes ne possèdent pas l'exact format vocal de rôles aux dimensions wagnériennes. Le roi Louis de Stefan Cerny fait peine à entendre en raison de sa voix râpeuse, l'Eglantine de Theresa Kronthaler se réfugie trop souvent dans le cri, tandis que le Lysiart d'Andrew Foster-Williams, au timbre trop clair et manquant de mordant pour son personnage de vilain, escamote les vocalises de son air. Malhabile dans son jeu, Norman Reinhardt est un Adolar qu'on sent sur la corde raide dans sa romance du premier acte, mais il parvient à libérer un peu son chant par la suite. En dépit d'une voix aux couleurs un peu impersonnelles et d'une technique parfois prise en défaut par les redoutables exigences de Weber, Jacquelyn Wagner offre l'interprétation la plus satisfaisante en Euryanthe rêveuse, résignée, puis exultante de bonheur. Si le Chœur Arnold Schoenberg chante vaillamment et permet d'apprécier une belle homogénéité, Constantin Trinks et l'Orchestre symphonique de la radio de Vienne manquent singulièrement de nerf dans l'ouverture et mettent beaucoup de temps avant de s'échauffer. À leur décharge, il faut reconnaître qu'ils sont desservis par une prise de son très mate, mais avouons que Marek Janowski et la Staatskapelle de Dresde avaient su donner un tout autre relief à la partition en 1974 (EMI). Pour voir Euryanthe en DVD, on pourra ignorer cette version décevante et privilégier la vision, naïve mais infiniment plus poétique, de Pier Luigi Pizzi à Cagliari en 2004 (Dynamic).

Louis Bilodeau