Mise en scène de Michael Sturminger. © SF / Matthias Horn

Fusillade dans un parking sous Sant’Andrea della Valle avec ses pilastres, où Angelotti parvient à se réfugier. Michael Sturminger veut une Tosca d’aujourd’hui, alors que la liberté, en tant d’endroits, n’a toujours pas vaincu la tyrannie et que le goupillon, quel qu’il soit, s’allie souvent au sabre. N’aperçoit-on pas, au troisième acte, une enseigne intitulée « Il Divo », en référence au film de Paolo Sorrentino sur les compromissions mafieuses de Giulio Andreotti avec, au fond, une photo du Vatican ? On verra bien, aussi, Scarpia au Palais Farnèse, mais sur son vélo d’appartement… Et l’Autrichien ira plus loin : le parking deviendra dortoir et ce sont les enfants de chœur du premier acte, dûment formés au maniement des armes – on saisit l’allusion – qui liquideront Mario, avant que Scarpia, simplement blessé, ne tue Tosca – fin peu tragique, à l’opposé du suicide théâtral de la diva. Mais ces entorses au livret, s’ils le modernisent, ne renouvellent pas vraiment le propos, faute d’une direction d’acteurs moins convenue, plus soucieuse d’approfondissement psychologique. De la bonne routine en habits du moment, pas le thriller inspiré du cinéma dont rêvait le metteur en scène autrichien.

Tosca est Anna Netrebko, mais Anna Netrebko n’est pas Tosca. Plus starlette que diva, la soprano russe atteint ici ses limites vocales et interprétatives. On ne niera pas la beauté pulpeuse d’une voix impeccablement conduite malgré quelques écarts, dont toutes les séductions se déploient dans une Prière de haute école, mais l’éventail des couleurs reste très réduit et l’on cherche en vain l’héroïne derrière la chanteuse dans un rôle où l’hédonisme vocal ne peut suffire. Yusif Eyvazov, que les années ont dégrossi mais qui n’aura jamais la voix du bon Dieu, assure en Mario, sans subtilité mais non sans nuances. Même si on le préfère dans des rôles plus nobles, Ludovic Tézier, tout en distillant la fourberie perverse du baron, rayonne en revanche par le timbre et le phrasé sans jamais sacrifier à un vérisme douteux. Les comprimarii tiennent leur rang, en particulier l’Angelotti de Michael Mofidian, superbe clé de fa. Un ensemble inégal, qui ne dissipe pas un ennui aggravé par Marco Armiliato, incapable de tendre l’arc et de porter le drame à l’incandescence, enclin à des rallentandos du plus mauvais goût qu’on ne prendra que pour de vulgaires détournements de rubato, flattant servilement monsieur et madame au lieu de les diriger… et les couvrant à l’occasion au deuxième acte. Restait à se délecter des sonorités de rêve d’une Philharmonie de Vienne qui méritait d’être mieux traitée.

Didier van Moere

À lire : notre édition de Tosca : L’Avant-Scène Opéra n°11 


Ludovic Tézier (Scarpia) et Anna Netrebko (Tosca). © SF / Marco Borrelli