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Guillemette Laurens (Madame Grenu), Julien Behr (Antonin), Julie Fuchs (Ciboulette) et Jean-Claude Sarragosse (Monsieur Grenu).

 

Il n’est pas si fréquent de sortir d’une soirée lyrique sourire aux lèvres et fredon à la bouche, l’esprit encore un peu valsant. C’est le délicieux plaisir que procure Ciboulette, opérette de Reynaldo Hahn subtile et loufoque à la fois, que l’Opéra-Comique ressuscite avec bonheur. Cette partition, c’est le charme fait musique : l’art de glisser ici où là des références pour happy few qui confèrent au genre léger une élégance aristocrate, et de s’encanailler dans le même temps avec grâce par des refrains aussi efficaces que voluptueux. Avec quelle science Hahn fait croire à la simplicité, c’en est confondant...

Si l’Orchestre symphonique de l’Opéra de Toulon manque de fondu et de raffinement, si la direction raide de Laurence Equilbey est bien trop coupante pour servir le galbe séducteur des inflexions de la partition, rien de cela ne pèse sur un plateau vocal qu’illumine, en vrai rayon de soleil, la Ciboulette de Julie Fuchs. La soprano affiche ici un timbre de circonstance, tout simplement délicieux. A l’eau limpide d’une Danielle Darrieux, il ajoute le fruité coquin d’une Suzy Delair, le tout enrobé d’un vibrato lyrique justement dosé et d’une égalité d’émission admirable, jamais mièvre ou étroite, et panaché d’un tempérament comique bien trempé sous des dehors d’adorable jeune fille : la Révélation Lyrique des Victoires de la Musique 2012 a tous les atouts – art vocal exquis et présence vive – pour incarner avec style et caractère une Ciboulette fraîche et épicée. Autour d’elle, on admire surtout le Duparquet émouvant et de belle école de Jean-François Lapointe, quand Julien Behr et Eva Ganizate (Antonin et Zénobie) semblent un peu surjoués. Des trois guest stars apparaissant dans la production, on reste déçu par la Madame Pingret de Bernadette Lafont, manquant de rythme et de fantaisie, attendri par les retrouvailles avec le jeu décalé et burlesque de Jérôme Deschamps – directeur de la maison – en… Directeur d’Opéra, et bluffé par la Comtesse de Castiglione sublimée en diva « Emphatique » par Michel Fau.

Ce dernier offre une mise en scène presque trop sage à cet ouvrage regorgeant de clins d’œil – principal regret, il ne se dépare pas d’une gestion des chœurs compassée et figée. Mais l’équilibre esthétique est séduisant, qui use de palettes de couleurs cloisonnées, de panneaux peints et d’accessoires scéniques volontairement naïfs, tout en les mixant avec des saillies pittoresques. Le premier acte s’endort un peu, mais plus on avance dans la soirée, et plus le ton visuel s’égaye et se déglingue avec bonheur : à l’acte II, Monsieur et Madame Grenu (excellents Jean-Claude Sarragosse et Guillemette Laurens) puis les huit fiancés amènent un joyeux décadrage, et le troisième acte est une vraie réussite, qui abolit les frontières entre opérette et music hall. Et voilà comment l’on peut se retrouver à chantonner, à 23 h, boulevard des Italiens, la Valse de Ciboulette, le cœur léger et l’âme ravie.

C.C.


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Jean-François Lapointe (Duparquet) et Julie Fuchs (Ciboulette). Photos Elisabeth Carecchio.