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Olga Pasichnyk (Achille), à gauche Sally Matthews (Deidamia).

 

Deidamia est le dernier des opéras italiens de Haendel composés pour Londres en 1741 sur le modèle seria. Il était plutôt tombé dans l’oubli jusqu’à ce qu’un enregistrement d’Alan Curtis en 2007 pour Virgin Classics ne lui redonne vie. C’est évidemment une succession de récitatifs et d’airs de bravoure à da capo avec quelques ensembles, mais qui n’atteint pas à la complexité et à la richesse dramatiques de Giulio Cesare ou d’Alcina. Depuis deux décennies, les metteurs en scène se sont résignés à faire passer la pilule de ce moule plutôt anti-dramatique par une attitude « comique » consistant à donner à l’action une visualisation de bande dessinée ou de dessin animé où l’on joue des anachronismes et des références cinématographiques. Les grands précédents ne manquent pas, avec pour ancêtres le Giulio Cesare de Peter Sellars aux U.S.A, celui de Nicholas Hytner à Paris ainsi que l’Agrippina de David McVicar à Paris. La mode s’est bien répandue et cette Deidamia de David Alden, lequel a de nombreux précédents haendéliens à Munich, n’y échappe pas, assez réussie au demeurant. Cela commence par l’idée de faire se dérouler l’opéra – qui se passe pendant les guerres entre Grecs et Troyens – sur la mer (dans un univers plus californien, à la David Hockney, que méditerranéen, grâce aux décors admirables de Paul Steinberg), et substituer au cheval de Troie un drôle de sous-marin. La mise en scène est assez habile, la direction d’acteurs au petit point, et des chorégraphies élaborées – auxquelles les chanteurs se prêtent plutôt bien – viennent donner à l’ensemble un petit air de variétés !

Mais ce qui compte vraiment, s’agissant surtout d’une telle résurrection, c’est sa réussite musicale ; et pour cela, l’Opéra néerlandais s’est vraiment donné les moyens avec une équipe qui avait déjà en partie assuré le succès de l’Ercole Amante de Cavalli en 2009 (DVD Opus Arte). Ivor Bolton revenait donc avec le Concerto Köln, qui donne une interprétation magistrale de cette musique dans laquelle Haendel a pris soin de caractériser les différents personnages. Superbe distribution aussi, à la tête de laquelle trônait le Deidamia de la soprano britannique Sally Matthews. Cette magnifique chanteuse, lauréate du Prix Kathleen Ferrier en 1999, a chanté Fiordiligi et Sophie à Amsterdam – ce qui en dit long sur l’intensité qu’elle peut donner à un personnage aussi complexe que Deidamia. L’Argentine Veronica Cangemi, plus attendue dans ce répertoire, a joué de sa grande versatilité vocale et dramatique dans le rôle ambigu de Nera. Très belle performance aussi de la mezzo espagnole Silvia Tro-Santafé, une régulière du DNO, peut-être un peu trop jeune pour le rôle de primo uomo d’Ulysse. L’Ukrainienne Olga Pasichnyk interprétait Achille avec brio mais semblait peu à l’aise dans le double changement de sexe qu’impose le rôle. Une belle représentation.

O.B.
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Sally Matthews (Deidamia), 3e à droite : Olga Pasichnyk (Achille).


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Silvia Tro Santafé (Ulisse), Sally Matthews (Deidamia). Photos Ruth Walz.