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Elena Tsallagova (Mélisande) et Stéphane Degout (Pelléas).

 

Pelléas et Mélisande à Bastille en ce mois de mars, c’est d’abord et surtout une très belle soirée musicale. Le timbre fruité d’Elena Tsallagova est d’une Mélisande radieuse et charnelle ; Stéphane Degout offre un Pelléas d’anthologie, souple et équilibré, diction parfaite qui chante autant que sa voix ; Vincent Le Texier est un Golaud de nerf et de bouillonnement intérieur, jamais outré ; la Geneviève d’Anne Sofie von Otter – qui semble plutôt la sœur de ses fils – est raffinée, et le timbre somptueux de Franz Josef Selig compose un Arkel plus vibrant et vivant que d’ordinaire. Tous sont portés à leur meilleur par un Orchestre de l’Opéra que Philippe Jordan dirige en beauté et panache, pour un Debussy plus puissant que transparent, plus houleux que flottant – mais pourquoi pas.

C’est sans doute l’option musicale qui permet le mieux de contrebalancer la « mise en scène » de Robert Wilson, qui se veut, elle ultra-sophistiquée. Pour cette nouvelle reprise d’une production datant de 1997, aucune surprise à l’horizon, seule la confirmation du statut surfait d’un metteur en scène qui plaque sur toute partition son esthétique aussi figée dans l’espace qu’elle l’est dans le temps et le rapport à la musique. Mozart, Puccini, Debussy, rois ou geishas, XVIIIe ou XXe siècle, tout est transcodé en une composition esthétique pour papier glacé, particulièrement photogénique certes… et particulièrement non-théâtrale. Hiératisme des mouvements quand la musique de Debussy est frémissement, sur-signifiance des postures quand elle est ambiguïté, abstraction géométrique et graphique quand elle est floutage et liquidité… le contresens est permanent, et l’on ne peut que louer le plateau vocal de jouer le jeu de cette gestuelle contraignante qui donne le sentiment de ne faire confiance ni au corps de l’interprète ni à sa propre expression du personnage.

On espère qu’une nouvelle production de Pelléas viendra bientôt remplacer cet exercice de style artificieux pour redonner vie au théâtre, et place aux artistes – surtout quand ils sont, comme pour cette distribution, de si belle eau.

C.C.

Nouvelle édition de Pelléas et Mélisande, L'Avant-Scène Opéra n° 266

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Elena Tsallagova (Mélisande) et Vincent Le Texier (Golaud)


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Anne Sofie von Otter (Geneviève), Stéphane Degout (Pelléas) et Franz Josef Selig (Arkel). Crédit : Opéra national de Paris/ Charles Duprat