OEP208_1.jpg
Gabriele VIVIANI (Dr Malatesta) et Alessandro CORBELLI (Don Pasquale).

 

Petit bijou de grâce et de vivacité buffa, Don Pasquale est servi au Théâtre des Champs-Elysées par un interprète hors pair, le grand Alessandro Corbelli – il sera relayé par Lorenzo Regazzo pour les deux dernières représentations –, dans une mise en scène de Denis Podalydès très sage… trop sage. Elle place les personnages dans une Italie des années cinquante qui aurait pu dégager une poésie lunaire à la Fellini ; mais si les lampions de la camionnette itinérante de Pasquale offrent une touche de solitude foraine, si la trompette solo de la Sérénade d’Ernesto fait ici irrésistiblement penser à La Strada, le reste de la scénographie (par Eric Ruf) et des costumes (par Christian Lacroix) se fond en une grisaille plus terne que nostalgique. Norina est d’ailleurs problématique, d’abord sexy comme une starlette puis reconvertie en bourgeoise permanentée – on a du mal, du coup, à croire à ses retrouvailles avec Ernesto. Le travail de Podalydès est professionnel – une direction d’acteurs attentive, d’amusants figurants en acolytes muets, un Malatesta dessiné en Méphisto de pacotille – mais laisse échapper quelques détails moins tenus : pourquoi Norina tire-t-elle la langue à Pasquale, dans son dos, alors qu’il s’est converti au happy end ? La production semble rester à la surface de certaines questions soulevées par cette intrigue pourtant piquante : quel est l’intérêt de Malatesta ? pourquoi le persiflage de Norina au premier matin des noces – « allez au lit, dormez bien »… ? On reste sur sa faim.

Si le Chœur de Radio France compose un bel ensemble, glissant avec fantaisie du chant à la parole, l’Orchestre National de France, sous la baguette parfois pesante d’Enrique Mazzola, avoue quelques bugs de mise en place dommageables. Triomphateurs à l’applaudimètre, Norina et Ernesto nous enthousiasment pourtant bien moins que les deux clefs de fa. Le ténor de Francesco Demuro, certes maître de la tessiture d’Ernesto et de ses nuances, révèle une émission chargée de sanglots hors style et, surtout, un timbre claironnant sans rondeur ni charme, semblant contraint de bout en bout. Les suraigus époustouflants de Désirée Rancatore ne font pas oublier son manque de nuance, ses couleurs parfois appuyées et acides. Son tempérament en revanche ne fait pas de doute. Mais on est conquis par le baryton aussi brillant qu’élégant de Gabriele Viviani, Malatesta-Méphisto plus vrai que nature, et bien sûr par la prestation de Corbelli. La détente corporelle qui accompagne en permanence son chant et son jeu – même dans les moments les plus vifs ou les plus composés – est une leçon technique pour tous les chanteurs-acteurs ! Résultat : il vibrionne, amuse et émeut, et tient quasiment à lui seul tout le buffa de la soirée. Un Don Pasquale mi-figue mi-raisin, mais un Don Pasquale fromage et dessert !

C.C.
OEP208_2.jpg

OEP208_3.jpg
Francesco DEMURO (Ernesto), Desiree RANCATORE (Norina), Alessandro CORBELLI (Don Pasquale),  Gabriele VIVIANI (Dr Malatesta). Photos Vincent PONTET/WikiSpectacle