Hermann Prey (Boccaccio), Anneliese Rothenberger (Fiametta), Adolf Dallapozza (Lotteringhi), Edda Moser (Beatrice), Kurt Böhme (Scalza), Walter Berry (Leonetto), Willi Brokmeier (Pietro, prince de Palerme), Kari Lövaas (Isabella), Friedrich Lenz (Lambertuccio), Gisela Litz (Peronella). Orch. symphonique de Bavière et chœur de l'Opéra d'État de Bavière, dir. Willi Boskovsky (1974).
CD Warner Classics, coll. Cologne, 5054196055226. Présentation en all. et angl. Pas de livret. Distr. Warner Music.

La postérité est parfois bien capricieuse, qui ne retient de certains compositeurs qu'un petit nombre d'opus souvent mineurs alors que leur catalogue recèle des trésors qui leur valurent en leur temps de véritables triomphes. Ainsi en est-il de Franz von Suppé (1819-1895), dont les orchestres ne jouent plus guère aujourd'hui que trois ou quatre ouvertures, brillantes, certes, mais qui constituent une part infime de sa production musicale. Celle-ci compte notamment de nombreuses œuvres théâtrales, comme cette opérette Boccaccio, créée en 1879 au Carltheater de Vienne et qui lui valut le plus grand succès de sa carrière. S'inspirant très vaguement du Décaméron et s'articulant autour des amours de Boccace et de la belle Fiametta, l'ouvrage réserve une place de choix au chœur et comprend plusieurs numéros d'amples dimensions et à l'orchestration rutilante. Redonné un peu partout en Europe et en Amérique, Boccaccio connut sans doute sa reprise la plus prestigieuse en 1931, lorsque le Met le monta dans une version d'Artur Bodanzky avec Maria Jeritza dans le rôle-titre. Qu'on ne s'étonne pas d'apprendre qu'une soprano ait incarné le poète florentin : c'était le souhait du compositeur qui confère ainsi une ambiguïté sexuelle au séducteur Boccace. Pour les fins de cet enregistrement, le rôle est dévolu à Hermann Prey, qui nous rappelle ici l'immense chanteur qu'il fut et combien il excellait dans ce répertoire. Anneliese Rothenberger ne lui cède en rien sur le plan de l'élégance musicale et campe la plus délicieuse Fiametta qu'on puisse imaginer. Leur Lied du premier acte (« Hab'ich nur deine Liebe ») est d'une grâce tout simplement irrésistible. Le reste de la distribution se situe au sommet avec, entre autres, Adolf Dallapozza, Edda Moser et Walter Berry, tous en grande forme. La direction de Boskovsky, quasi déchaînée dans l'ouverture puis toujours juste dans l'expression des sentiments tendres ou dans les grandes scènes chorales, achève de nous convaincre de l'importance de cette réédition.

L.B.