Aleksandrs Antonenko (Otello), Krassimira Stoyanova (Desdemona), Carlo Guelfi (Iago), Barbara di Castri (Emilia), Juan Francisco Gatell (Cassio), Michael Spyres (Roderigo), Paolo Battaglia (Montano), Eric Owens (Lodovico), Chicago Symphony Orch. & Chorus, dir. Riccardo Muti (live 7-9-12.IV.2011).
CD CSO Resound CSOR 901 1301. Distr. Harmonia Mundi.

Les réalisations modernes et enthousiasmantes d'Otello sont suffisamment rares pour être saluées. Ici, trois noms évidents de l'opéra verdien aujourd'hui (Muti, Antonenko, Stoyanova) sont réunis, chacun justifiant à lui seul de se précipiter sur ce coffret. Riccardo Muti, pour une direction sans concession qui équilibre les fulgurances de la partition avec un analytisme rafraîchissant : on aura rarement aussi bien entendu qu'ici les points de conjonction d'écriture et de langue entre Otello et Falstaff, une virtuosité orchestrale et dans les ensembles qui dit la folie meurtrière. Son Otello ? Aleksanders Antonenko, dont la vigueur héroïque mêle l'implosion incendiaire et la souplesse du phrasé, et dont les imprécations aiguës font, tout simplement, peur tant elles transpercent, tel un dard chauffé à blanc. Krassimira Stoyanova, enfin, l'une des rares vraies voix verdiennes du moment, capable de s'enrouler comme une liane lyrique dans les effluves de la sensualité du chant, et qui délivre une Chanson du Saule aux nuances infinies. Quel dommage qu'on n'ait pas su joindre à ce couple royal un Iago de la même eau : le timbre trémulant de Carlo Guelfi peine à servir toute l'épaisseur et la noirceur du personnage. Quel dommage, aussi, que malgré une captation live, le travail d'édition en ait effacé toute trace pour tendre vers une réalisation léchée. Il n'empêche : outre un livret d'accompagnement fort complet (avec libretto et traduction), cet Otello s'impose comme un étendard, victorieux des oracles alarmistes prévoyant la mort des voix verdiennes.

C.C.