Ana Maria Labin (Semele), Matthew Newlin (Jupiter), Dara Savinoya (Junon, Ino), Lawrence Zazzo (Athamas), Andreas Wolf (Cadmus, Somnus, Grand Prêtre), Chiara Skerath (Iris), Gwendoline Blondeel (Cupidon), Choeur de chambre de Namur, Millenium Orchestra, dir. Leonardo García Alarcón.
Ricercar 437 (3 CD). 2h50. 2021. Notice en français. Distr. Outhere.

Le Samson de Haendel enregistré par Alarcón pour le même éditeur, il y a deux ans, ne nous avait guère convaincu, à cause du trop grand « interventionnisme » du chef. Ce dernier semble d’abord respecter davantage Semele, ouvrage moins révisé par son auteur et mieux connu aujourd’hui, du fait de ses nombreuses incarnations scéniques. Néanmoins, les coupures, pour être moins nombreuses, n’en paraissent pas plus nécessaires. Entendons-nous : il ne s’agit pas de condamner les coupures par principe – encore faut-il qu’elles fassent sens. En scène, elles se justifient souvent pour des raisons de durée ; au disque, c’est plus rare. Ici, on admet fort bien la suppression du dernier air d’Athamas, dispensable ; moins celle de deux soli de Sémélé à l’Acte III (« My racking thoughts » et, plus grave, « I ever am granting ») ; guère celle du délicieux menuet de l’ouverture ; et vraiment pas du tout celle de la trépidante sinfonia annonçant l’Acte II qui, avec son imitation du cor de postillon, évoque si plaisamment les pérégrinations d’Iris. En outre, ces coupes ne sont guère garantes d’une direction remplie d’urgence : avec ses tempi assez peu contrastés, la direction d’Alarcón manque de théâtralité et, s’il soigne les accompagnements (surtout des passages contemplatifs), il ne s’empare guère des pages dramatiques (l’héroïne meurt avec placidité). Il faut dire que ses violons n’ont ni le mordant, ni l’alacrité auxquels nous a habitués Gardiner dans ce drame : en dépit d’assez bons solistes (le violoncelle de « Turn, hopeless lover »), le Millenium Orchestra nous laisse sur notre faim. En revanche, le Chœur de Namur s’avère expressif et harmonieux et la plupart des « seconds » rôles emportent l’adhésion : Savinoya dessine une Junon autoritaire et dangereuse, ainsi qu’une Ino au superbe phrasé, Zazzo, n’ayant plus à forcer dans un rôle trop lourd pour lui, campe un Athamas aussi chic que décontracté, Wolf un noble Cadmus (mais un Somnus plus monochrome – et il n’est finalement pas certain que les deux rôles conviennent au même interprète), Skerath une Iris lumineuse, Blondeel un Cupidon à croquer. Les têtes d’affiche ont été moins bien choisies, même si on apprécie leurs timbres corsés : Labin, après un bon premier acte, abuse des sonorités nasales (« O sleep » !) et s’avère trop raide, trop mûre pour la naïve Sémélé, tandis que, faute de suavité et de brio, Newlin ne peut se comparer, même de loin, aux Aler, Blake, Rolfe-Johnson qui l’ont précédé. Sans doute ne faut-il voir – ou plutôt entendre – dans ce coffret que l’écho d’un sympathique concert (médiocrement capté, au demeurant), ne prétendant pas à l’accomplissement ; mais il ne nous persuade toujours pas des affinités d’Alarcón avec les oratorios de Haendel…


Olivier Rouvière