Fernando Guimarães (Ecclitico), Luis Rodrigues (Buonafede), Joao Pedro Cabral (Ernesto), Joao Fernandes (Cecco), Susanna Gaspar (Clarice), Carla Caramujo (Flaminia), Carla Simões (Lisetta), Os Mujocos do Tejo, dir. Marcos Magalhães.
Naxos 8660487-88 (2 CD). 2017. Live. 2h17. Notice en anglais. Distr. Outhere.

On se réjouissait a priori de retrouver les excellents Musiciens du Tage, qui nous avaient offert, chez le même éditeur, de toniques enregistrements consacrés à leur compatriote trop méconnu, Antonio de Almeida. C’est l’unique opéra d’un autre compositeur portugais, un peu plus tardif, Pedro Antonio Avondano (1714-1782), qu’ils nous proposent cette fois – mais avouons que la découverte de ce Monde de la lune de 1765 nous laisse de marbre, malgré les efforts des interprètes. Le livret assez mécanique de Goldoni (repris par Haydn en 1777) ne s’orne ici que d’une musique écrite au kilomètre, une écriture souvent syllabique en motifs brefs, alignant les poncifs mélodiques, se privant du recours au contrepoint (y compris dans les ensembles) et modulant le moins possible. On se console donc vite des coupes sombres qui ont affecté la partition (six airs et un chœur ont été omis), à laquelle on aurait pu retrancher aussi, au disque, quelques récitatifs, qui ravissent apparemment le public mais que l’absence de spectacle nous fait trouver surjoués. Les chanteurs se donnent à fond, notamment les deux basses, excellentes : Joao Fernandes, qui, hélas, n’a droit qu’à un seul air, campe un empereur de la lune déjanté, et Luis Rodrigues, d’une voix plus claire, un barbon finalement touchant. De leur côté, les deux ténors, ne se montrent guère à la hauteur de ce qu’il leur reste à chanter (la voix de Guimarães s’est amincie au point qu’il peine à achever son unique aria) et, des trois sopranos, seule Carla Simões affirme une vraie compétence technique. Alors pourquoi « deux cœurs » ? Pour le prodigieux orchestre de Marcos Magalhães, qui sait profiter de l’orchestration colorée constituant l’unique atout d’Avondano. D’une constante expressivité, les vingt-cinq musiciens du Tage semblent trouver d’instinct le caractère qui convient à tel ou tel trait instrumental, quitte à tourner le dos à la joliesse au profit de sonorités astringentes et mutines : les violons pleurnichent ou raillent (« Ho veduto un buon marito »), les altos ricanent (« Ragion nell’alma siede »), les hautbois et cors pétaradent, les flûtes sifflotent à tue-tête (scène 11 de l’Acte II), les trompettes fanfaronnent, les violoncelles se rengorgent (« Padroncino caro ») – bref, en ces soirs de septembre 2017, le théâtre était incontestablement dans la fosse !
 

Olivier Rouvière