Maria Bengtsson (Fiordiligi), Jurgita Adamonyté (Dorabella), Rebecca Evans (Despina), Pavol Breslik (Ferrando), Stéphane Degout (Guglielmo), Thomas Allen (Don Alfonso). Chœur et orchestre du Royal Opera House, dir. Thomas Hengelbrock. Mise en scène : Jonathan Miller (Covent Garden, 7-10 septembre 2010).
Opus Arte OA1331D (1 DVD). Livret d'accompagnement en anglais, sous-titres en français. Distr. DistrArt Musique.

Enregistré à Covent Garden voilà déjà onze ans, ce Così fan tutte ne risque guère de passer à l'histoire pour le travail de Jonathan Miller, responsable des décors et de la mise en scène. Évoluant dans une grande pièce assez triste aux murs blanchâtres où l'on retrouve quelques meubles de style Louis XVI, les personnages sont habillés à la mode contemporaine et utilisent ordinateurs et smartphones. Lorsque vient le temps de se déguiser en Albanais, les deux jeunes gens troquent leur complet-veston contre une tenue on ne peut plus contrastée : Guglielmo arbore un tee-shirt avec une énorme tête de mort et porte un pantalon et un long manteau de cuir noir, tandis que Ferrando, vêtu d'un jeans déchiré et d'une veste de cow-boy, a les bras couverts de tatouages. Au fur et à mesure que progresse l'action, Fiordiligi et Dorabella délaissent toute coquetterie au profit d'une apparence en accord avec la dégaine de leurs nouveaux amoureux. Pour ajouter un peu de piquant à une direction d'acteurs très décevante qui ne cherche pas réellement à sonder les cœurs, Miller se contente de quelques effets se voulant amusants mais qui tombent à plat : Ferrando effectue des pompes en guise d'entraînement militaire, Don Alfonso fait semblant de jouer au golf avant l'aubade et Guglielmo ponctue celle-ci avec une guitare électrique imaginaire en imitant les gestes d'un musicien de rock... À ce manque de subtilité scénique répond hélas l'orchestre tapageur de Thomas Hengelbrock, qui met beaucoup trop en évidence les cuivres, rompant du coup l'extraordinaire équilibre mozartien. S'il se montre capable de délicatesse dans le trio « Soave sia il vento » ou dans d'autres moments d'introspection, le chef laisse rarement le temps aux longues phrases de se déployer dans toute leur magnificence.

Peu favorisés par un tel écrin, les chanteurs ont l'immense mérite de former une équipe remarquable d'homogénéité. Très semblables physiquement, Maria Bengtsson et Jurgita Adamonyté ont l'air de véritables jumelles, dont les voix se marient de surcroît à la perfection. On pourrait certes souhaiter un grave plus sonore à la première et un timbre un peu plus riche en harmoniques à la seconde, mais ce ne sont là en vérité que péchés véniels. Chantant à ravir, la Despina de Rebecca Evans a des allures de grande dame qui donne des conseils à ses cadettes du haut de sa vaste expérience de la vie. En Don Alfonso, Thomas Allen compense amplement l'usure de la voix par la finesse de son chant. Les deux officiers rivalisent de splendeur vocale : grâce et suavité pour le Ferrando de Pavol Breslik, ardeur et belle rondeur de timbre pour le Guglielmo de Stéphane Degout. Au final, cette nouvelle parution ne modifie en rien notre vidéographie, toujours dominée par la version d'Iván Fischer et Nicholas Hytner à  Glyndebourne (Opus Arte, 2006).

Louis Bilodeau