Florian Sempey (Figaro), Catherine Trottmann (Rosina), Michele Angelini (Il Conte Almaviva), Peter Kalman (Bartolo), Robert Gleadow (Basilio), Annunziata Vestri (Berta), Guillaume Andrieux (Fiorello), Stéphane Facco (Ambrogio). Chœur Unikanti, Le Cercle de l'Harmonie, dir. Jérémie Rhorer, mise en scène : Laurent Pelly (Théâtre des Champs Élysées, 2017).
Naxos 2.110592. Notice en anglais et en français. Distr. Outhere.

Laurent Pelly a placé sa production du Barbier sous le signe de la musique comme une sorte d’hommage à une œuvre qui a en effet en son temps révolutionné le genre de l’opera buffa. Sa vision graphique en « noires et blanches », dans un décor quasiment abstrait de papier réglé, où les barres de portées à la verticale deviennent les barreaux de la prison de Rosina, fait des personnages les notes d'une partition et chorégraphie les mouvements scéniques au rythme de la musique de Rossini et de sa dynamique implacable. Quelques jolies trouvailles, comme cette « guardia civil » - seule allusion à l'Espagne du livret - armée de pupitres qui vient ramener l’ordre au finale du premier acte ou ce tourbillon de notes pendant l’orage, concrétisent cette idée que plus que l’intrigue elle-même, c'est le compositeur qui mène la danse, et apportent une note de folie dans un ensemble plutôt austère. Ce qui en direct sur le plateau paraissait un peu mécanique et de peu d’épaisseur (voir le compte rendu de Chantal Cazaux), gagne à être revu au prisme de la caméra dont les gros plans révèlent une fine caractérisation des personnages dans un registre à la fois classique et rajeuni. Cette modernisation discrète mais efficace qui se joue sur les costumes et les comportements en fait des figures pleinement contemporaines.

D’un plateau parfaitement homogène on distinguera le Figaro mauvais garçon de Florian Sempey dont le baryton agile rend pleine justice à l’écriture virtuose du rôle, la Rosina pugnace de Catherine Trottmann dont le jeune mezzo bien timbré encore qu’un peu limité dans le grave ne manque pas de charme. Michele Angelini, ténor rossinien de premier rang, rend pleinement justice aux exigences d’Almaviva dont il interprète le grand air final avec une facilité remarquable, mais il allège beaucoup son émission et son incarnation manque un rien de mordant pour nous combler tout à fait. Un Bartolo inquiétant à souhait et un Basilio efficace, tous deux barytons, tiennent dignement leur partie sans réellement laisser une impression durable. Annunziata Vestri en blouse grise de concierge tire tout le parti possible de son air de sorbet et l'Ambrogio de Stéphane Facco est une grande réussite dans le registre du bouffe muet. Excellent également le chœur d'hommes Unikanti. On sait gré à Jérémie Rhorer de donner l’ouverture rideau baissé, ce qui donne le loisir d’apprécier les qualités du Cercle de l’Harmonie et la puissance de l'inspiration du compositeur. Sa direction fluide et très en place, attentive à ses chanteurs, porte cette production atypique à un succès mérité.

Alfred Caron