Audun Iversen (Wozzeck), Claudia Mahnke (Marie), Peter Bronder (le Capitaine), Alfred Reiter (le Docteur), Vincent Wolfsteiner (le Tambour-Major). Frankfurter Opernhaus- und Museumsorchester, dir. Sebastian Weigle (2016).
Oehms Classics OC 974 (2 CD). Notice en anglais et allemand, livret en allemand. Distr. Outhere.

Il arrive que l’on vous explique qu’une soirée magnifique dans la salle ne fait pas forcément un bon disque. Mais il arrive aussi que, à l’écoute d’un enregistrement, on sente de manière palpable la ferveur et l’intensité de la scène. C’est le cas de cet inattendu Wozzeck, enregistré à la fin de la saison 2015/2016 à l’Opéra de Francfort, qui n’est pas la plus internationalement connue des compagnies lyriques d’outre-Rhin. On en arrive même à percevoir la force que devait avoir la mise en scène de Christof Loy sans la voir ! Cela tient sans doute en grande partie à la qualité de la direction de Sebastian Weigle, directeur musical de l’Opéra de Francfort. D’une clarté tranchante, elle crée d’emblée une tension qui ne se relâche pas, relevant avec succès le défi de ce chef-d’œuvre où l’expression naît de la précision et ne vient pas s’y surimposer.

Audun Iversen propose un véritable portrait de Wozzeck, d’une voix au départ élégante et légère, mais qui finit par se déformer à mesure que le personnage est poussé dans ses retranchements et perd le contrôle. En parfait complément, Claudia Mahnke est une Marie d’une volupté insolente, ce que renforce sa couleur de mezzo plus que de soprano : elle déborde de vie, dans la tendresse comme dans la violence. La qualité des comparses en dit long sur le niveau des troupes dans l’aire germanophone : Capitaine et Docteur de Peter Bronder et Alfred Reiter sont de véritables comédiens chanteurs, l’Andrès de Martin Mitterrutzner est délicat à souhait, même des seconds rôles comme la Margret de Katharina Magiera ou le simple d’esprit de Martin Wölfel parviennent à habiter leur apparition. Seul le Tambour-Major de Vincent Wolfsteiner est un peu pâle, mais le rôle est si peu intéressant… On s’attendait à une carte de visite de province à traiter avec une bienveillance un peu condescendante, on a été happé par une interprétation de premier ordre d’un opéra qui ne supporte pas la médiocrité.

Christian Merlin