Soraya Mafi (Teresa), Thomas Elwin (Alfredo), James Cleverton (Arrostino), Sharon Carty (Minestra), John-Colyn Gyeantey (Risotto), Catherine Carby (Nita), John Savournin (Bartolo), Geoffrey Dolton (Pietro), Madeleine Shaw (Ultrice), Martin Lamb (Elvino), Tom Raskin (Giorgio Ravioli), Andrew Rupp (Luigi Spaghetti), BBC Concert Orchestra et BBC Singers, dir. John Andrew (2017). Bonus : Suite symphonique d’Alfred Cellier.
CD BBC/Dutton Epoch LX 7349. Notice en anglais. Livret disponible sur www.duttonvocalion.co.uk. Distr. Dutton Vocalion.


Plus connu pour sa collaboration avec Arthur Sullivan (notamment pour H.M.S. Pinafore, Le Mikado ou Les Pirates de Penzance), le dramaturge William S. Gilbert est aussi le librettiste de ces Mountebanks d’Alfred Cellier (1844-1891), qui fut aussi bien directeur musical de la compagnie D’Oyly Carte, collègue et ami de Gilbert et Sullivan, que compositeur lui-même de nombreuses comédies musicales et opéras – dont le plus triomphal fut Dorothy (1886). The Mountebanks fut créé début 1892, quelques jours après la mort de Cellier qui avait laissé la partition inachevée ; elle fut complétée par Ivan Caryll, directeur du Lyric Theatre qui en hébergea la création. Un numéro (21), absent de la partition anglaise de 1892, a en outre été orchestré pour cet enregistrement par John Andrews.

Au cœur de l’intrigue se trouve une potion magique : L’Elixir d’amour de Donizetti avait déjà inspiré Gilbert pour sa pièce parodique Dulcamara, or The Little Duck and the Great Quack (1866) puis pour un conte de Noël, The Elixir of Love (1876), qui fut réutilisé dans The Sorcerer de Sullivan (1877). Cette fois, le breuvage modifie la personnalité de son consommateur, le rendant soudain fidèle à ce qu’il prétendait être en façade... Hélas, cet enregistrement en 2 CD ne propose que les numéros musicaux (plus de deux heures de musique, tout de même !), sans les dialogues qui auraient nécessité une troisième galette : impossible, dès lors, de prendre la mesure de l’intrigue qui unit toutes ces pièces. « Mountebanks » peut signifier « saltimbanques » ou « charlatans » ; de fait, dans l’auberge d’un petit village campagnard qui attend une visite ducale, le livret fait se rencontrer une troupe de comédiens en tournée et une bande de criminels en goguette : les brigands sont déguisés en moines, les paysans jouent aux aristocrates amoureux, les comédiens aux automates… Après avoir partagé un verre de la boisson fatale, voilà tout ce petit monde pris au piège de son identité d’emprunt : les bandits jurent de renoncer au crime, les faux amants s’aiment vraiment, les comédiens sont mécanisés. Évidemment, in extremis chacun retrouvera sa vraie nature.

Faute d’histoire suivie, l’oreille se satisfait de 21 morceaux – couplets solistes, duos, ensembles, chœurs – souvent brefs et enlevés, tous plus charmants les uns que les autres et bien dans l’esprit du Savoy Opera, distillant avec raffinement une inspiration populaire, qu’elle soit dansante, gaillarde ou sentimentale. À l’exception de Thomas Elwin, Alfredo au timbre emprunté voire engorgé, la réalisation musicale est très joliment menée, fraîche, souple et vive, tant côté voix que côté orchestre. On salue donc ce premier enregistrement des Mountebanks, tout en regrettant de ne pouvoir les entendre au complet, avec leurs dialogues et situations drolatiques : la découverte reste un peu abstraite, mais plaisante, même si aucun numéro ne s’élève au chef-d’œuvre d’inspiration piquante que savait trousser un Sullivan. Notons que le coffret offre aussi en premier enregistrement la Suite symphonique d’Alfred Cellier, créée au Festival de Brighton 1878 et dont le dernier mouvement avait servi d’ouverture aux Mountebanks à leur création.

Chantal Cazaux.