Annika Boos (Lilli), Linda Hergarten (Gwendolin), Martin Koch (Hans), Julian Schulzki (Albert), Martin Krasnenko (le Capitaine), Orchestre et chœur de la WDR de Cologne, dir. Wayne Marshall (2017).
CD Capriccio C5319. Pas de livret. Distr. Outhere.

Eduard Künneke (1885-1953), dont la notoriété est demeurée essentiellement allemande, a étudié à Berlin auprès de Max Bruch avant de devenir directeur musical de Reinhardt au Deutsches Theater (1910-1911). Parmi ses nombreuses opérettes, on retient surtout Der Vetter aus Dingsda (1921) et Die grosse Sünderin, qui eut les honneurs d’une création au Staatsoper de Berlin en décembre 1935. Quelques mois auparavant, Künneke avait fait jouer simultanément à Zurich et à Düsseldorf Herz über Bord, qu’on peut traduire par Cœur à la mer et qui met en scène une championne de natation – rappelons que les Jeux olympiques allaient se tenir à Berlin l’année suivante – sur le point d’épouser un consultant en investissement. Or Lilli voit ses projets matrimoniaux pour le moins perturbés lorsqu’elle apprend qu’un de ses oncles lui lègue 50 000 marks, mais à la condition expresse qu’elle convole en justes noces avec son ami d’enfance Hans, lui-même fiancé à la comédienne Gwendolin. Afin de toucher son héritage, Lilli se marie avec Hans dans l’intention de divorcer après un an, sans se douter que tous deux vont rapidement développer de tendres sentiments l’un pour l’autre. Le titre fait référence au troisième tableau, où Lilli saute à la mer pour aller rejoindre Hans qui, torturé par sa conscience envers Gwendolin, a quitté leur navire de croisière. Tout s’achève évidemment dans l’allégresse, puisque Albert et Gwendolin forment eux aussi un nouveau couple...

Sur ce schéma convenu Künneke a composé 18 morceaux, tous très brefs, qui rappellent par moments Emmerich Kálmán (son exact contemporain), Paul Abraham ou Gershwin, en particulier dans le superbe intermezzo avec piano, saxophone et castagnettes du troisième acte. Bizarrement déplacée ici en appendice, cette pièce aux savoureux accents de jazz constitue à n’en pas douter l’intérêt principal d’une œuvre dont les rythmes pétillants ne compensent pas une inspiration mélodique relativement pauvre. Encore faut-il préciser que deux des numéros de l’opérette ont été écrits par Frank Marszalek, ami de Künneke, et que, l’orchestration originale étant perdue, l’on entend ici la version du compositeur Michael Gerihsen. Si Wayne Marshall et ses musiciens de Cologne extraient tout le suc possible de cette musique qui se laisse somme toute écouter avec plaisir, les quatre solistes sont cependant à la peine en raison de flagrants problèmes techniques et nous font espérer un autre enregistrement qui puisse nous permettre de mieux apprécier un compositeur méconnu de la première moitié du XXe siècle.

L.B.