Benedetta Mazzucato (Dori), Caterina di Tonno (Rubinetta), Matteo Mezzaro (Artemidoro), Domenico Colaianni (Don Gasperone), Angela Nisi (Eufelia), Daniela Mazzucato (Madama Bartolina), Roberto Scandiuzzi (Trofonio), Giorgio Coaduro (Don Piastrone), Orchestra internazionale d'Italia, dir. Giuseppe Grazioli (live, Martina Franca, 14 juillet 2016).

CD Dynamic CDS 7754.02. Distr. Outhere.

 

Cette commedia per musica en deux actes, créée en 1785 à Naples, est une œuvre doublement parodique. Le livret de Giuseppe Palomba s'inspire directement de celui de l'abbé Casti pour l'opéra homonyme de Salieri créé la même année à Vienne, mais il le revoit dans une optique résolument bouffe et quelque peu satirique. En plus des deux couples de fiancés principaux et du « magicien » Trofonio, il introduit deux autres personnages féminins (Rubinetta et Madama Bartolona) à la recherche de leurs amoureux (des aigrefins, semble-t-il) qui les ont abandonnées et qui ne sont rien moins que les personnages masculins des deux couples. Pour complaire au goût napolitain, l'un des deux fiancés est devenu un personnage dialectal, destiné à Antonio Casaccia, un buffo caricato issu d'une longue dynastie de chanteurs comiques à laquelle Rossini aura recours en 1816 pour Don Pomponio dans La Gazzetta. Surtout, le mythe de la caverne qui métamorphose en le retournant le caractère des personnages est traité ici sur un mode burlesque et prétexte à quiproquos, et sert à renforcer la folie généralisée des ensembles et à générer de faux airs sérias, tels celui destiné à Eufelia au deuxième acte, le personnage de bas-bleu de cette histoire.

Sans doute, au théâtre, la pièce a quelque bonne chance de marcher, comme le montre le succès rencontré auprès du public de Martina Franca, car elle offre matière à mise en scène et à jeu d'acteurs. Mais au disque, la « complexité » de l'action - celle d'un livret dont les allusions à la culture classique, notamment à la philosophie et à la mythologie grecques, ne nous parlent plus guère - n'est guère efficiente et parvient tout juste à faire sourire.Reste que la musique de Paisiello est d'une belle venue, avec une veine mélodique aux tonalités quasi mozartiennes, très séduisante, où seul l'usage du canto sillabato et un petit côté mécanique dans les strettes rappelle que nous sommes dans l'univers de l'opera buffa italien. Ses ensembles - par exemple le long finale en chaîne du premier acte - prouvent un remarquable métier et ils sont nombreux et variés (duos et quatuors abondent). L'orchestration est d'un raffinement total, comme dans l'air tendre d'Eufelia au premier acte où dialoguent à l'arrière-plan hautbois et basson. Mais il manque à la partition cette intégration dramatique du discours qui fait par exemple des Nozze di Figaro, malgré l'usage du recitativo secco, un opéra « durchkomponiert », alors qu'ici nous avons toujours la sensation de l'éclectisme et d'une juxtaposition de numéros.

Cet enregistrement se révèle très vivant, grâce à un plateau de chanteurs-acteurs habitués de ce répertoire, comme Domenico Colaianni ou Giorgio Caoduro, et de jeunes talents très à leur aise, telle la charmante Rubinetta de Caterina di Tonno ou la Dori candide de Benedetta Mazzucato, fille de Daniela qui interprète ici une Madama Bartolina très piquante. Roberto Scandiuzzi joue habilement les guest stars dans le rôle de Trofonio et les quelques limites de l'Eufelia d'Angela Nisi ou de l'Artemidoro de Matteo Mezzaro ne gâtent pas ce qui est finalement un spectacle de troupe, d'autant que la direction très vivante et fluide de Giuseppe Grazioli, à la tête d'un Orchestre Internazionale d'Italia en notables progrès depuis qu'il a été pris en mains par Fabio Luisi, imprime un bon rythme à la représentation. Une vidéo aurait sans doute mieux servi cette intéressante redécouverte.

A.C.