Stéphanie d'Oustrac (Béatrice), Paul Appleby (Bénédict), Sophie Karthäuser (Héro), Lionel Lhôte (Somarone), Katarina Bradić (Ursule), Frédéric Caton (Don Pedro), Philippe Sly (Claudio). Chœur de Glyndebourne, Orchestre philharmonique de Londres, dir. Antonello Manacorda. Mise en scène : Laurent Pelly (Glyndebourne, 23 juillet 2016).

DVD Opus Arte OA 1239D. Distr. DistrArt Musique.

 

Laurent Pelly succombe parfois à la surcharge et l'on sait le goût malheureux d'Agathe Mélinand pour les actualisations contestables. Ni l'un ni l'autre, heureusement, n'ont mis à mal Béatrice et Bénédict, cet opéra-comique théâtralement problématique qu'il faut manier avec délicatesse - à la Monnaie, les tripatouillages de Richard Brunel l'ont carrément bousillé. Conçu à partir de boîtes symbolisant un ordre établi que les deux jeunes gens refusent, un décor grisâtre à la limite du noir et blanc crée une ambiance presque surréaliste. Par les costumes, les personnages rappelleraient les années cinquante, mais la production renoue plutôt avec les facéties des années vingt. Rien n'est appuyé pour autant, Laurent Pelly préserve, en quelque sorte, la fragilité de l'œuvre, trouvant l'équilibre entre la loufoquerie et l'expression des sentiments à travers une direction d'acteurs très affutée, où le réalisme le dispute à la fantaisie... comme dans Beaucoup de bruit pour rien.

Antonello Manacorda remplace Robin Ticciati. Un défi, quand on sait combien le Britannique est demandé. A la tête d'un orchestre très réceptif à la musique de Berlioz et d'un excellent chœur, il le relève par sa direction colorée et subtile, souple et fluide, qui fait avancer la musique mais sait suspendre le temps dans le Trio du second acte ou le Duo-Nocturne de la fin du premier, magnifiquement chanté par la Héro charmante de Sophie Karthäuser, d'une fraîcheur sans mièvrerie, et l'Ursule de Katarina Bradić. Quelques mois après Bruxelles, Stéphanie d'Oustrac reprend sa Béatrice adorable chipie, écorchée vive en réalité, stylistiquement superbe, avec une articulation impeccable mais aussi un aigu qui a une légère tendance à se griser et perdre de sa chair. Que Paul Appleby ait un accent ne gêne pas trop : son français se comprend... et il chante son Bénédict d'une jolie voix très bien conduite, avec un « Ah ! je vais l'aimer » parfaitement phrasé. Ajoutez le Don Pedro bien campé de Frédéric Caton, le fringant Claudio de Philippe Sly et le Somarone hilarant de Lionel Lhote : le premier DVD de Béatrice et Bénédict peut se recommander. 

D.V.M.