Olga Peretyatko (Violetta), Atalla Ayan (Alfredo), Simone Piazzola (Germont), Emiliano Gonzalez Toro (Gastone), Tom Fox (Douphol), Christina Daletska (Flora), Konstantin Wolff (D'Obigny), Walter Fink (Grenvil), Deniz Uzun (Annina), Balthasar-Neumann-Chor et -Ensemble, dir. Pablo Heras-Casado, mise en scène : Rolando Villazón (Baden-Baden, mai 2015).

DVD Cmajor/Unitel 733708. Synopsis et notice trilingues dont français. Distr. Harmonia Mundi.

Une Traviata de plus dans la vidéographie ? Oui et non. Certes, la mise en scène de Villazón - qui, comme à son habitude, offre une proposition singulière, développée avec cohérence - ne convainc pas pleinement : l'univers du cirque n'est pas neuf, ni la grande horloge au sol (écho de la production de Salzbourg qui vit le triomphe du duo Netrebko-Villazón), ni le flash-back initial (d'ailleurs dicté par la musique). On sent une volonté de poésie : le tintement triste et solitaire d'une boîte à musique prélude aux premières notes de Verdi, et Violetta est cantonnée dans son souvenir, spectatrice de sa vie qui défile sous ses yeux - mais l'usage fréquent de la trapéziste jouant son double lasse et casse parfois l'émotion des échanges. Surtout, la scénographie (décors de Johannes Leiacker, costumes de Thibault Vancraenenbroeck) agresse - volontairement - l'œil : couleurs criardes et grouillantes, motifs hétéroclites et chargés, tout confine à la laideur, reflet d'un monde d'où seuls se détachent Violetta - tutu immaculé - et Rodolfo - classique redingote noire. Signifiant, mais si peu agréable à l'œil pendant deux heures de visionnage...

La captation vaut donc surtout pour le trio de protagonistes, à commencer par la Violetta d'Olga Peretyatko qui relève haut la main le défi de l'évolution vocale de son personnage. Brillance de la colorature, générosité des élans plus dramatiques, éther des confessions pudiques : les couleurs, les dynamiques, les émotions s'enchaînent et se complètent au sein d'un timbre rond et fruité, de bout en bout aisé, et d'un jeu bien senti, sans froideur ni excès. La belle surprise vient d'un Alfredo qui lui est agréablement apparié : le Brésilien Atalla Ayan allie lyrisme et engagement et délivre un chant idiomatique. Quant au Germont de Simone Piazzola, son air lui vaut un triomphe mérité : ligne, style, élégance du timbre, et cabalette bien négociée ne sont pas si fréquents. Parallèlement à ce trio de qualité, la direction de Pablo Heras-Casado joue l'intelligence des tempi, la vie des enchaînements, la netteté du trait : une très belle leçon pour une Traviata qu'on aura plaisir à réécouter... plus qu'à revoir.

C.C.