Margarita Gritskova (Ottone), Ekaterina Sadovnikova (Adelaide), Baurzhan Anderzhanov (Berengario), Miriam Zubieta (Eurice), Gheorghe Vlad (Adelberto), Yasushi Watanabe (Iroldo), Cornelius Lewenberg (Ernesto), Camerata Bach Choir, Virtuosi Brunensis, dir. Luciano Acocella (live 2014).

CD Naxos 8 660401-02. Distr. Outhere.

En réunissant dès 1984 sous sa baguette magique de maestro concertatore Mariella Devia et Martine Dupuy afin de révéler au public de Martina Franca les délices belcantistes de cet opéra mésestimé, Alberto Zedda plaçait la barre très haut. Attentif à la vocalisation des affects plus qu'à la dramatisation théâtrale, il exprimait le suc d'un ouvrage hédoniste, au sens noble et platonicien du terme. Quelques tentatives de représentations scéniques de cette improbable histoire médiévale devaient hélas en souligner les limites. Les aventures de l'infortunée veuve du roi d'Italie, retranchée dans sa forteresse pour échapper aux entreprises de l'assassin d'icelui qui veut la marier à son fils, et convolant in fine avec l'empereur de Germanie Otton, ne sont que prétexte à une succession de numéros à forme fixe quelque peu hors sol.

En écoutant la présente intégrale enregistrée au festival de Bad Wildbad, on n'éprouve donc aucun regret particulier d'être condamné à l'absence d'images de ces soirées. D'autant que l'inévitable transposition du livret dans un cadre moderne, où les batailles rangées de chaises de cuisine tenaient lieu d'affrontements armés, ne valait guère mieux que l'historicisme déployé à Pesaro en 2011 à grands coups (déjà) d'effets vidéo. Les cuivres et les bois de l'orchestre aux cordes incertaines, dirigé avec tact et conviction par Luciano Acocella, comme les chœurs appliqués dont les interventions scandent les deux actes jusqu'au lieto fine conclusif, assurent un appréciable soutien à un plateau cosmopolite mais assez éloquent. Les mérites de la soprane russe Sadovnikova, ceux d'une Gilda un rien pétulante aux aigus ouverts, ne sont pas a priori en situation dans un rôle appelant une tout autre discipline du mélange des registres et de la dynamique. La jeunesse et la vulnérabilité de la malheureuse se traduisent par moments en sonorités roturières, heureusement compensées chemin faisant par les élans amoureux exhalés vers la fin du premier acte. Plus en règle avec l'esthétique du chant rossinien bien qu'un peu légère pour endosser les habits d'Ottone, sa compatriote Gritskova en assume crânement la coloratura, exponentielle dans son rondo final, à côté d'instants lyriques de pure beauté. Il fallait une basse pour incarner le méchant prédateur Berengario, ici campé par une clé de fa sans surcharge ni grandiloquence excessive, alors que le ténor auquel échoit l'emploi du malheureux Adelberto, son fils, savonne ses roulades avec une touchante ardeur. L'air d'Eurice, sa mère (numéro rescapé des deux initialement écrits par un collaborateur du compositeur), bénéficie de tous les soins de la charmante Espagnole Miriam Zubieta, aux côtés de seconds rôles diligents. La partition mérite qu'on aille y entendre et cette captation complète avec un certain bonheur une maigre discographie.

J.C.