Katherine Watson (Theodora), Philippe Jaroussky (Didymus), Stéphanie d'Oustrac (Irene), Kresimir Spicer (Septimius), Callum Thorpe (Valens), Sean Clayton (le Messager), Orch. et Chœur des Arts Florissants, dir. William Christie, mise en scène : Stephen Langridge (Théâtre des Champs-Elysées, 2015).

DVD Erato. Notice en français. Distr. Warner Music.

Il s'agit de la troisième version scénique commercialisée de Theodora, après le mythique spectacle de Peter Sellars (Glyndebourne, 1996) et celui, très teuton, de Christoph Loy (Salzbourg, 2009). Rappelons que l'avant-dernier oratorio de Haendel (1750) ne fut évidemment pas conçu pour le théâtre : en adaptant la Théodore de Corneille, le Saxon et son librettiste Thomas Morell avaient d'ailleurs veillé à en bannir toute anecdote. Mais c'est bien entendu le contraire que font la plupart des metteurs en scène, et Langridge plus qu'aucun autre. Comme ses confrères, il transpose l'action à l'époque contemporaine (revolvers, smokings, photographies, matraques) ; mais, contrairement à Sellars - qui, tout en dressant un réquisitoire anti-carcéral, assumait une certaine abstraction -, il entasse les détails triviaux censés animer le marbre : on s'envoie des verres au visage, des coups de pieds au cul, on se déshabille durant les duos mystiques, on joue aux fléchettes, etc. Certes, pour une fois, nous n'accuserons pas le scénographe de n'avoir pas veillé à la direction d'acteurs - il ne l'a que trop fait. Depuis la salle du Théâtre des Champs-Elysées, l'œil pouvait se reposer sur les tendres éclairages de Fabrice Kebour, les parois dorées animées par Alison Chitty ; mais à l'écran, l'impitoyable captation d'Olivier Simonet accuse le trop-plein constant de la mise en scène.

Christie, à sa façon, en rajoute, avec ses tempi survitaminés qui laminent toute émotion, sans laisser aux cordes fragiles des Arts Flo' le loisir d'articuler. Il s'agit du quatrième enregistrement de l'œuvre effectué par le chef franco-américain, mais il s'avère plus superficiel encore que son premier legs discographique (2003, Erato). Survitaminé lui aussi, le chœur, après des débuts cafouilleux, nous réserve pour sa part bien des bonheurs en termes de rondeur, de clarté, de diction et de présence scénique. La distribution vocale apparaît des plus maladroites. Dans un rôle écrit pour le castrat Guadagni (le créateur d'Orfeo de Gluck), c'est-à-dire un véritable alto, Jaroussky peine à timbrer et se réfugie derrière sa technique, sans parvenir à incarner son personnage de soldat gagné par la grâce. Le centre de gravité vocal des deux dames gagnerait aussi à se placer plus bas pour les rôles qu'elles campent, et aucune ne convainc : Watson trop jolie, transparente ; d'Oustrac trop souvent essoufflée, triviale. Baryton à l'origine, Spicer affronte crânement la tessiture de Septimius dans le chant spianato mais se voit contraint d'alléger le son dans les vocalises, tandis que le fruste Thorpe ne confère guère de distinction au gouverneur d'Antioche. Une parution finalement cruelle pour ses interprètes.

O.R.