Max Emanuel Cencic (Arminio), Layla Claire (Tusnelda), Petros Magoulas (Segeste), Juan Sancho (Varo), Vince Yi (Sigismondo), Ruxandra Donose (Ramise), Xavier Sabata (Tullio), Armonia Atenea, dir. George Petrou (2015).

CD Decca 28947 88764. Notice en français. Distr. Universal.

1737, c'est un peu la tardive « année de galère » de Haendel : confronté à la concurrence et à la désaffection progressive des Londoniens à l'égard du lyrisme italien (auquel il cessera de sacrifier quatre ans plus tard), le Saxon ne compose pas moins de trois opéras nouveaux - Arminio, Giustino et Berenice. Le premier, le plus sombre, reste l'un de ses moins connus. Et, admettons-le, c'est justice : jusqu'à l'acte III (supérieur aux deux précédents), le compositeur se montre peu motivé par ce livret flasque et mal rapetassé - pourtant inspiré de l'excellent Salvi -, durant lequel Hermann, héros germain de la révolte contre les Romains, se voit presque constamment emprisonné. La première intégrale de l'œuvre (dir. Curtis, chez Virgin, en 2001) nous avait prodigieusement ennuyé. Celle-ci vaut mieux, surtout grâce à la fougue de George Petrou qui, dès l'Ouverture belliqueuse et contrastée, empoigne une musique que son prédécesseur ne faisait que lire. Le chef grec, parfaitement secondé par un orchestre fort engagé, tend à chauffer à blanc chaque air, au risque, parfois, d'égarer ses interprètes - par exemple Donose, chanteuse plus douée pour la contemplation que pour la fureur... L'autre point fort de l'enregistrement, c'est Cencic (en partie à l'origine du projet, via son agence de production Parnassus) : l'ardent contre-ténor trouve dans le masochiste rôle-titre (le plus intéressant de l'ouvrage, composé pour le castrat alto Domenico Annibali) un personnage à sa mesure, fanatique et déchiré. En revanche, dans l'autre rôle de castrat vedette (celui du tout gentil Sigismondo, beau-frère du héros, écrit pour l'ineffable Gizziello), le sopraniste Yi ne fait entendre, en dépit de son contre-ut, qu'un aigre timbre de petite fille. Tusnelda, le rôle de la Strada (la soprano qui venait de créer Alcina), échoit à une nouvelle venue au nom prédestiné, qui séduit par son haut-médium lumineux et son chant projeté - il lui reste à soigner ses vocalises. Excellent Tullio de Sabata, Segeste et Varo plutôt convaincants : la distribution tient fièrement son rang face à sa devancière. En somme, une version réussie d'une partition mineure...

O.R.