Andrew Foster-Williams (Guillaume Tell), Michael Spyres (Arnold Melcthal), Nahuel di Pierro (Walter Furst, Melcthal père), Tara Stafford (Jemmy), Raffaele Facciolà (Gesler), Giulio Pelligra (Rodolphe), Artavazd Sargsyan (Ruodi), Marco Filippo Romano (Leuthold), Judith Horwath (Mathilde), Alessandra Volpe (Hedwige), Camerata Bach de Poznan, Virtuosi Brunensis, dir. Antonino Fogliani (live, Trinkhalle de Bad Wildbad, juillet 2013).
Naxos 8.660363.66 (4 CD). Notice en anglais et allemand. Distr. Outhere.

 

Pour célébrer son jubilé - 25 ans de bons et loyaux services à la gloire de Rossini et de ses contemporains - le festival Rossini in Wildbad avait fait en 2013 le projet ambitieux de monter une première version absolument intégrale de Guillaume Tell. Cet opéra, que le compositeur lui-même puis la tradition avaient abondamment mutilé, retrouvait ainsi son intégrité, soit près de quatre heures de musique - auxquelles vient s'ajouter pour l'édition en CD un très intéressant supplément qui donne à entendre, entre autres curiosités, le finale de la version en trois actes de 1831. Ce sont trois numéros qui retrouvent ainsi leur place dans le chef-d'œuvre ultime du compositeur.

Compte tenu de la modestie des conditions de production, le résultat dont témoigne cet enregistrement est tout à fait honorable. Si le plateau vocal présente quelques limites, il se recommande d'abord par son homogénéité et son engagement. Le chant va du moyen à l'excellent, souvent à l'image - et ce n'est pas un hasard - de la qualité de l'articulation française. Parfaite chez Michael Spyres dont la belle voix centrale et la facilité dans le suraigu donnent à Arnold une présence d'une grande noblesse - peut-être un peu monolithique -, elle l'est également chez Andrew Foster-Williams, qui manque hélas de carrure et paraît souvent trivial pour un personnage mythique comme Guillaume Tell. D'une totale évidence chez le lumineux Ruodi d'Artavazd Sargsyan ainsi que chez Nahuel di Pierro, aussi convaincant en Melcthal père qu'en Fürst, elle commence à devenir problématique et à baisser d'un cran chez les seconds rôles, singulièrement chez le Gesler de Raffaele Facciolà ou l'Hedwige d'Alessandra Volpe ; mais le niveau vocal reste quant à lui très acceptable. La Mathilde de Judith Horwath fait de son mieux mais laisse entendre beaucoup d'incertitudes tonales dans son air d'entrée comme dans le duo du IIe acte. Elle se rachète dans son difficile grand air de l'acte III auquel cette version restitue, avec les interventions d'Arnold, sa dimension de scène. Elle donne ensuite le meilleur d'elle-même dans les ensembles et notamment dans le trio féminin du IVe acte habituellement coupé.

La rapidité des tempos d'Antonino Fogliani laisse souvent la sensation d'un certain manque d'ampleur dans quelques numéros comme le fameux trio patriotique, mais c'est le IVe acte, le moins unifié sur le plan dramaturgique, qui pâtit le plus de sa direction, certes engagée et dynamique, mais parfois un peu brouillonne. L'orchestre tchèque et les chœurs polonais se révèlent parfaitement à la hauteur de l'enjeu et l'ensemble laisse au final le sentiment d'une gageure parfaitement tenue, sinon d'une véritable référence. La notice de Reto Müller propose une intéressante interprétation de la retraite « prématurée » de Rossini après cette ultime pièce maîtresse, interprétation qui bouscule quelque peu les idées reçues mais se révèle très convaincante dans son argumentation.

A.C.