Tamara Wilson (l'Impératrice), Burkhard Fritz (l'Empereur), Sabine Hogrefe (la Teinturière), Terje Stensvold (Barak), Tanja Arian Baumgartner (la Nourrice), Dietrich Volle (le Messager des Esprits), Brenda Rae (la Voix du Faucon, le Gardien du Temple), Chœurs et Orchestre de l'Opéra de Francfort, dir. Sebastian Weigle (live 2014).
CD Oehms OC964. Distr. Outhere.

 

Première bonne surprise : le grand apparat orchestral de la Frau, son orient magique, ses abîmes métaphysiques comme ses capacités de comédie humaine conviennent bien mieux à Sebastian Weigle que les décors baroques d'Ariadne auf Naxos. Le voilà chez lui devant un orchestre-maelström qu'il dompte avec aplomb pour servir son plateau hélas inégal. Les Dieux sont gâtés : Tamara Wilson fait son entrée sans trembler, colorature pleine mais légère, mots plus coupants que flottant dans l'éther, elle sera durant les épreuves clouante d'intensité - humaine, trop humaine, bouleversante. Dommage, son Empereur assez fruste n'a pas dans le timbre le soleil d'un James King, ni ses phrasés altiers, mais Burkhard Fritz se tire honorablement des pièges que lui a tendus Richard Strauss et, après tout, le rôle est sans arrière-plans. Nourrice et Messager épatants : Tanja Arian Baumgartner, en particulier, met autant de mots dans son chant que jadis Elisabeth Höngen - chapeau bas. Les Humains sont plus ternes : aussi étreignant que soit Terje Stensvold, il n'a plus les moyens vocaux de Barak, et Sabine Hogrefe appuie le côté matrone de la Teinturière, erreur commune et pourtant inacceptable. Mais enfin, l'Opéra de Francfort a réussi le vrai pari de la Frau : celui de décrire un univers et de le faire porter par une troupe. Sans atteindre à l'éloquence qu'y déployèrent Karl Böhm, Ferdinand Leitner, Wolfgang Sawallisch ou Georg Solti, Sebastian Weigle nous fait vivre le drame avec une intensité certaine. Une belle soirée straussienne à l'aune de ce que l'on peut entendre aujourd'hui dans cette partition.

J.-C.H.