Francesca Tiburzi (Cio-Cio-San). © Jessica Latouche

Dix ans après la splendide Madame Butterfly mise en scène par Jacques Leblanc, l'Opéra de Québec a eu la main moins heureuse en faisant appel à François Racine, qui propose un spectacle quelque peu routinier. Dans un dispositif scénique se limitant à la modeste maison de Cio-Cio-San qui occupe le milieu du plateau, le spectacle se déroule de façon certes efficace, mais sans réserver de surprise véritable ou éblouir par quelques idées réellement originales. Les éclairages nocturnes pendant le duo d'amour et les projections de la mer lors du prélude du troisième acte contribuent heureusement à créer des atmosphères qui se gravent plus durablement dans notre mémoire. L'illusion théâtrale se trouve toutefois par moments gâchée par quelques aspects gênants, comme les cloisons mobiles particulièrement bruyantes, les costumes bien peu crédibles des choristes et la taille beaucoup trop grande de la jeune figurante incarnant le petit Dolore.
 
Plus satisfaisante sur le plan musical, la représentation bénéficie de la direction de la cheffe italienne Clelia Cafiero, qui imprime une grande tension dramatique à la partition de Puccini. Sous sa baguette, l'Orchestre symphonique de Québec se montre à la fois rutilant et soucieux de ne pas couvrir les voix. C'est peut-être dans le grand duo du premier acte que Cafiero et la phalange se montrent à leur meilleur, dans une belle montée menant peu à peu jusqu'au paroxysme de l'exaltation amoureuse. Habituée du rôle-titre, Francesca Tiburzi joue avec conviction tout en faisant entendre un instrument capable d'une grande puissance, mais dont le médium ne passe pas toujours la rampe. Certaines intonations douteuses et une voix plutôt pauvre en harmoniques ne nuisent pas outre mesure à son incarnation nuancée et touchante. En Pinkerton, Éric Laporte possède une parfaite aisance scénique doublée d'une magnifique voix de ténor qui, en dépit de quelques aigus négociés avec difficulté, fait merveille dans les tendres effusions du premier acte. Superbe de bout en bout et d'une belle assurance vocale, le consul de Philipp Addis est la bienveillance incarnée, de même que la Suzuki au chant généreux de Lysianne Tremblay. Parmi les comprimari, Geoffroy Salvas se distingue en Yamadori à la riche voix de baryton, tandis que le Goro d'Antoine Normand confère beaucoup de truculence à son personnage d'entremetteur. Manquant un peu d'homogénéité au premier acte, les choristes livrent par la suite une remarquable interprétation du chœur à bouche fermée. Au final, cette Madame Butterfly soutient la comparaison avec la production donnée la semaine précédente à Montréal, mais sans se hisser pour autant au niveau des grandes réussites de l'Opéra de Québec.
 

Louis Bilodeau


Éric Laporte (Pinkerton) et Philipp Addis (Sharpless). © Jessica Latouche