Paris, L'Harmattan, 2018, 234 p., 24,50 €

Version abrégée d'une thèse de doctorat soutenue à Paris 3 en janvier 2018, ce livre propose l'analyse détaillée de cinq mises en scène offenbachiennes que Laurent Pelly a réalisées entre 1997 et 2015, soit Orphée aux Enfers, La Belle Hélène, La Grande-Duchesse de Gérolstein, La Vie parisienne et Le Roi Carotte. À l'exception du Roi Carotte, ces productions sont toutes disponibles en DVD, ce qui permet d'apprécier d'autant plus l'approche originale et stimulante d'Hélène Routier. Dans son introduction, celle-ci retrace d'abord l'étymologie et les origines du kitsch au théâtre, puis montre comment ce dernier se manifeste en particulier dans l'opérette, qu'elle considère comme le genre musical le plus intrinsèquement lié à ce phénomène. « Principe actif de l'art contemporain » (p. 11), le kitsch serait en outre à ses yeux le symptôme du « rejet de l'esthétique théâtrale épurée de la fin du XXe siècle » à laquelle se rattachent des scénographes comme Bob Wilson, Richard Peduzzi ou Yannis Kokkos. Laurent Pelly privilégie pour sa part une approche différente, accordant une large place à la « subculture » et prenant un plaisir manifeste à surcharger le plateau, à jouer avec les anachronismes ou l'hybridation, éléments caractéristiques du kitsch. Son attitude consistant à jouer (voire à « flirter ») avec le kitsch sans jamais y adhérer constitue pour Hélène Routier l'essence même de ce qu'elle appelle « métakitsch » ou « kitsch au second degré ». En se fondant principalement sur les travaux de Walter Benjamin, Clement Greenberg, Abraham Moles et Christophe Genin, elle consacre un chapitre descriptif et analytique à chacune des cinq mises en scène qu'elle a retenues et dont elle offre une lecture très pertinente. Si elle s'appuie sur une « méthode » rigoureuse, celle-ci n'est en rien rébarbative et ne devrait pas intimider des lecteurs allergiques à un certain jargon universitaire. L'auteure nous semble cependant un peu trop indulgente lorsqu'elle affirme dans sa conclusion que Laurent Pelly réussit à éviter, « grâce à un dosage savant, les écueils de la caricature et du cabotinage » (p. 209). On aurait également souhaité pouvoir disposer d'un tableau présentant les différentes productions d'Offenbach mises en scène par Pelly, car quelques-unes d'entre elles sont à peu près inconnues. Cela étant, on ne saurait trop recommander la lecture de cet ouvrage consacré à un grand homme de théâtre qui, par son imagination pleine de fantaisie, sait si bien traduire en images l'univers d'Offenbach.

Louis Bilodeau