Wolfgang Koch (Faust), John Daszak (Mephistopheles), Catherine Nagelstad (la Duchesse de Parme), Steven Humes (Wagner), Alfred Kuhn (le Maître de cérémonie). Chœur et Orchestre de l'Opéra d'état de Munich, dir. Tomas Netopil (Munich, live 28 juillet 2008).
CD Oehms OC956. Distr. Abeille Musique.

Au contraire de Lulu qu'on ne donne plus sans le troisième acte de Friedrich Cerha, la version de Doktor Faust laissée tout aussi inachevée par Busoni à sa mort le 27 juillet 1924 et complétée par Anthony Beaumont ne s'est pas imposée, malgré une vague de productions prestigieuses portée dès le début par la régie visionnaire de Werner Herzog (Bologne 1985), qui en appellera bien d'autres pour New York, Salzbourg, Paris puis Lyon. Au point que l'Opéra de Munich, confiant sa production à Nicolas Brieger, s'en tient sagement à la réalisation initiale de Philippe Jarnach, arrêtée là où la plume de Busoni a tracé ses derniers signes.

Finalement, l'inachèvement sied à cette partition mystérieuse, où la métaphysique le dispute à l'étrange et dont l'imaginaire sonore saisit immanquablement. L'orchestre y est un personnage à part entière - et l'orgue seul parfois d'ailleurs - ce qu'a bien compris Tomas Netopil qui en soigne le sfumato, en détaille les couleurs soufrées, véritable tableau sonore aux effets de spatialisation particulièrement éloquents dans cette captation en représentation. On le sait, l'œuvre a revécu grâce à Dietrich Fischer-Dieskau, qui s'est littéralement engouffré dans le parlando du rôle-titre. Ce style vocal correspondait exactement au point où son art était parvenu lorsqu'il enregistra l'œuvre en 1969. Wolfgang Koch relève le défi, chantant plus, cherchant la ligne jusque dans l'éclat, donnant au personnage une stature angoissée - celle d'un créateur car, bien entendu, Faust, c'est Busoni. John Daszak affronte crânement la tessiture impossible de Mephistopheles sans avoir recours au falsetto hurleur qu'y déployait William Cochran à l'arraché, mais la vraie révélation reste la Duchesse de Parme selon Catherine Nagelstad : son monologue tout pénétré d'une indélébile nostalgie domine une très belle soirée dont le son, si l'on en croit les photographies de la production réunies dans le livret, vous suffira.

J.-C.H.