Thomas Hampson (Simon Boccanegra), Kristine Opolais (Maria/Amelia), Carlo Colombara (Fiesco), Luca Pisaroni (Paolo), Igor Bakan (Pietro), Joseph Calleja (Gabriele Adorno). Wiener Symphoniker & Singakademie, dir. Massimo Zanetti (live concert 2013).
CD DECCA 478 5354. Distr. Universal.

Un nouveau Simon Boccanegra nous arrive, profondément attachant sinon exemplaire. Un regret, d'emblée: la voix ombrée de Kristine Opolais, son chant qui oscille en dynamique, comme précautionneux, est infiniment élégant mais reste éloigné de la jeune fille de lumière que Verdi a dessinée en Maria/Amelia. Face à elle, Calleja sonne plus solaire que de coutume; cet Adorno délié et rond, stylé et nuancé (le „Padre!" final!), est une superbe réalisation musicale - son duo avec le Fiesco de marbre noir et d'intentions subtiles de Carlo Colombara est un grand moment. Les clés de fa forment d'ailleurs un ensemble de haut rang, et très caractérisé: au vibrato serré, au timbre ample et profond de Colombara, répondent un noir Pietro et un Paolo mordant. Quant à Thomas Hampson, son Boccanegra si humain et sensible était déjà documenté à la vidéo (Vienne 2002, TDK); il est toujours aussi singulier et saisissant. On pourrait regretter, comme pour Opolais, un timbre parfois gris - qui sied, à la limite, bien plus au Simone des trois actes qu'à celui du Prologue, en tout cas n'est ici en rien celui d'un classique baryton verdien -, un chant parfois peu italien dans ses insistances presque droites. Mais quel portrait! Sa présence au moindre mot (parfois trop, appuyés aux dépens de la ligne), sa compréhension des enjeux et de la dimension supérieure du personnage, vous happe. Il faut dire que la direction de Massimo Zanetti sait allier la fluidité et la rupture, trouve des atmosphères magnifiques et sans temps mort: dès le Prélude, allant et liquide, dès le premier échange Paolo/Pietro, on sait que l'écoute sera vivante, dramatique, palpitante. Et de fait - à part un choeur aux pupitres féminins très clairs, qui affadissent l'émeute -, le tandem Hampson / Zanetti s'offre une malédiction de Paolo fantomatique: silences abyssaux, accents hallucinés ou rictus vocaux du baryton, bois désolés soufflant en hululements... c'est presque Boris! Ce qui n'est peut-être plus tout à fait Simon - ou bien, au contraire, une façon de saisir avec audace la parola scenica telle que le Verdi de 1881 pouvait l'imaginer...

C.C.