Ludovic Tézier (Macbeth), Silvia Dalla Benetta (Lady Macbeth), Riccardo Zanellato (Banquo), Giorgio Berrugi (Macduff). Filarmonia Arturo Toscanini, dir. Roberto Abbado.
Enregistré sur le vif, décembre 2021.
Dynamic CDS 7915 (2 CD). Notice en anglais/italien, livret en français/anglais. Distr. Outhere.

À la faveur de son festival Verdi 2020, Parme redonnait vie à la version parisienne du Macbeth de 1865, le temps d’un concert de plein air au Parc Ducal, Covid oblige. Le premier enregistrement mondial de cette mouture française d’un opéra né en 1847 à Florence confère à cet évènement un intérêt mémoriel évident, en dépit de ses relatives limites. Au premier rang de celles‑ci, le fait que ladite version, hier traduite en italien sitôt née, soit celle qui assure dans cet idiome, et depuis moult décennies, la pérennité de l’ouvrage. Il reste que les protagonistes de cette version de concert s’expriment ici, comme hier à Paris, dans la langue de Messieurs Nuitter et Beaumont, médiocres librettistes convoqués pour accommoder à leur improbable manière les vers de Shakespeare. Par bonheur, le rôle-titre nous permet d’entendre un protagoniste francophone de naissance, le seul hélas de la distribution, notre Ludovic Tézier dont la densité vocale et l’incarnation physique de l’usurpateur régicide pourraient faire tout le prix de cette soirée. À trop vouloir exhiber la splendeur d’un timbre profus, d’aigus conquérants, alternant avec une introspection nimbée de mezza voce liquide, ce bel artiste sacrifie volontiers le naturel de la diction au profit d’un certain ego vocal. Reste que son héros, pour être plus conquérant que de nature, impose une carrure et un ascendant vocal conformes à ce dont le Paris de 1865 était sans doute friand. On appréciera de rencontrer en Riccardo Zanellato, basse internationale de grande pointure et bien connu du public français, un Banquo italien globalement en règle avec notre langue comme avec une ligne de chant d’une tenue et d’un relief qu’il convient de saluer. Le Macduff de Giorgio Berrugi, mal affranchi de ses Rodolfo ou Nemorino, nous semble en revanche légèrement à l’étroit en ténor de la maturité verdienne qui appellerait sans doute une largeur et un stentato moins adolescents. L’erreur de distribution, par ailleurs flagrante, est celle qui consiste à confier le rôle de la vénéneuse Lady à Silvia Dalla Benetta, laquelle dès son incertaine entrée en lice, infidèle au diapason, ne dispense aucune syllabe compréhensible. Cette italienne d’ordinaire appréciée dans le belcantisme, autant que dans Verdi ou la Jeune École, étonne hélas par l’immaturité de ses accents de soubrette hallucinée. Le personnage constituant le deus ex machina de la tragédie, les carences de son medium sont absolument rédhibitoires. La direction de Roberto Abbado laissera partagée, innervée par un agitato parfois plus ludique que dramatique, pétillant comme un brindisi rossinien innocent des poisons qu’il sécrète. Orchestre et chœur animent cependant la totalité de l’ouvrage avec conviction. Pondérons la relative sévérité de nos remarques : le Macbeth de 1865, enregistré plus d’une cinquantaine de fois, captations audio et vidéos, par les plus grands artistes et maestri depuis les années 1950, Callas y compris, mérite avec cette mouture parisienne ses trois cœurs, ne serait-ce que parce qu’on ait tenté de ressusciter l’œuvre dans sa version française et que la prestation de Tézier, quelles qu’en soient les limites, constitue un atout indéniable.
 

Jean Cabourg