Le Pays du sourire
Sangho Choi (Prince Sou-Chong), Elisabeth Flechl (Lisa), Dietmar Kerschbaum (Gustav), Yuko Mitani (Mi), Harald Serafin (comte Lichtenfels), Toru Tanabe (Tschang), Chœur et Orchestre du Festival de Mörbisch, dir. Rudolf Bibl (16-19 mars 2001).

Giuditta
Natalia Ushakova (Giuditta), Mehrzad Montazeri (Octavio), Markus Heinrich (Pierrino), Julia Bauer (Anita), Chœur et Orchestre du Festival de Mörbisch, dir. Rudolf Bibl (2-5 février 2003).

La Veuve joyeuse
Margarita de Arellano (Hanna Glawari), Mathias Hausmann (comte Danilo Danilowitsch), Birgid Steinberger (Valencienne), Marwan Shamiyeh (Camille de Rosillon), Alfred Sramek (baron Mirko Zeta), Daniel Serafin (vicomte Cascada), Alexander Klinger (Raoul de St. Brioche), Chœur et Orchestre du Festival de Mörbisch, dir. Rudolf Bibl (12-14 février 2005).

Le Comte de Luxembourg
Michael Suttner (le comte René de Luxembourg), Ruth Ohlmann (Angèle Didier), Alfred Sramek (prince Basil Basilowitsch), Marika Lichter (comtesse Stasa Kokozow), Marko Kathol (Armand Brissard), Ana-Maria Labin (Juliette Vermont), Stephan Paryla (Sergej Mentschikoff), Chœur et Orchestre du Festival de Mörbisch, dir. Rudolf Bibl (29-21 mars 2006).

Le Tsarévitch
Tiberius Simu (le tsarévitch), Alexandra Reinprecht (Sonja), Harald Serafin (le grand-duc), Marko Kathol (Iwan), Sieglinde Feldhofer (Mascha), Ciro De Luca (Bordolo), Chœur et Orchestre du Festival de Mörbisch, dir. Wolfdieter Maurer (live, 26-27 juin 2010).
Oehms Classics OC 1902 (5 CD). Notes en allemand et en anglais. Pas de livret. Distr. Outhere.

Depuis sa fondation en 1957 par la basse Herbert Alsen, le Festival de Mörbisch (Autriche) présente chaque été une opérette sur les bords du lac de Neusiedl. Très populaire, l'événement ne se limite pas aux titres les plus fameux du répertoire, puisque Der Bettelstudent de Carl Millöcker, Comtesse Maritza d'Emmerich Kálmán, Viktoria et son hussard de Paul Abraham ou Der Vogelhändler de Carl Zeller ont alterné au fil des saisons avec les incontournables Chauve-Souris, Baron tzigane et Veuve joyeuse. Surclassant Johann Strauss, Franz Lehár est le compositeur dont le Festival a monté le plus grand nombre d'ouvrages, soit les cinq réunis dans ce coffret Oehms. À l'exception du Tsarévitch, les bandes proviennent non pas de la scène lacustre, mais plutôt d'enregistrements réalisés en studio quelques mois avant les représentations. En l'absence de tout dialogue, chacune des œuvres tient en un seul disque, s'apparentant davantage à un pot-pourri musical qu'à une véritable action dramatique.

Vendue à prix doux, cette compilation n'offre malheureusement que des plaisirs intermittents. À la tête d'un orchestre formé de jeunes musiciens et d'un chœur assez peu discipliné, les chefs Rudolf Bibl et Wolfdieter Maurer proposent des lectures certes agréables, mais sans jamais se départir d'une retenue excessive, voire d'un certain académisme qui les empêchent de s'abandonner complètement au délicieux vertige de la valse et à la sensualité langoureuse de nombreuses pages envoûtantes. On sera toutefois un peu moins sévère pour Giuditta, qui a manifestement été répétée avec soin afin de rendre justice à son orchestration particulièrement étoffée.

Des cinq distributions, d'un niveau globalement très moyen, celle du Pays du sourire est sans conteste la plus satisfaisante. Elisabeth Flechl, dont le timbre rappelle celui de la merveilleuse Anneliese Rothenberger, campe une superbe Lisa, tandis que Sangho Choi compense les faiblesses de son grave et de son aigu par une sensibilité à fleur de peau. Dietmar Kerschbaum et Yuko Mitani forment un « second couple » plein de charme, ce qui est loin d'être toujours le cas dans les autres ouvrages. Dans Giuditta, on comprend mal comment la femme fatale de Natalia Ushakova peut réussir à envoûter l'Octavio vaillant mais aux aigus difficultueux de Mehrzad Montazeri. Le scénario se répète dans La Veuve joyeuse, où Margarita de Arellano fait pâle figure à côté du Danilo fringant et fort séduisant de Mathias Hausmann. Si le Camille de Marwan Shamiyeh et la Valencienne de Birgid Steinberger se font rapidement oublier, Alfred Sramek donne beaucoup de relief à Mirko, tout comme à son prince Basil du Comte de Luxembourg. Dans cette œuvre, le personnage éponyme de Michael Suttner souffre d'une voix engorgée et d'aigus périlleux, alors que Ruth Ohlmann, en dépit d'un timbre impersonnel, possède jeunesse et raffinement en Angèle Didier. Dans Le Tsarévitch, Tiberius Simu, qui traduit bien le spleen du rôle-titre, plafonne vite dans le registre supérieur. Il est hélas fort mal entouré de la Sonja d'Alexandra Reinprecht, qui détonne avec application, et de rôles secondaires d'une faiblesse insigne. Pour mieux entrer dans l'univers de Lehár, mieux vaut en définitive se tourner vers les DVD du Festival, où l'image parvient en partie à suppléer aux faiblesses musicales.

Louis Bilodeau