Antoni Majak (Antoni), Halina Słonicka (Zosia), Bernard Ładysz (Szóstak), Bogdan Paprocki (Franek), Andrzej Hiolski (Jakub), Zdzisław Nikodem (Feliks). Chœur et Orchestre de la Philharmonie de Varsovie, dir. Zdzisław Górzyński (enr. studio 1962).
Anaklasis Heritage ANA 005. Présentation et livret bilingues (pol., angl.). Distr. PWM.

Quand un riche pêcheur promet sa fille à un coiffeur de la ville, introduit dans le monde, pour assurer son ascension sociale… Mais Zosia n’a d’yeux que pour un modeste batelier, qu’on croit mort sur la Vistule au cours d’une tempête. Heureusement, il en réchappe et alors que tout semble désespéré, les deux rivaux se révèlent frères. Bon prince, le ciseau s’efface devant la rame.

Composé en grande partie à Paris en juin-juillet 1858, Le Batelier est un « tableau populaire », qui allait droit au cœur du public polonais. Moniuszko y marie les rythmes populaires, krakowiak ou polka par exemple, à l’esprit de l’opéra-comique français ou du buffa italien – le sillabando du barbier rossinien n’est pas loin. À la création à Varsovie, le 24 septembre 1858, le compositeur dirige lui-même, faisant dans la fosse ses débuts de directeur de l’Opéra : c’est un succès, mérité par cet ouvrage charmant et admirablement troussé – la prière, au début, s’élève aussi haut que les grandes pages religieuses de Moniuszko.

Certains critiques trouvent toutefois la musique un peu surdimensionnée par rapport à la légèreté du sujet. Un défi pour les interprètes, surtout quand ce sont des voix comme celles de la version historique de Zdzisław Górzyński, familières de rôles plus lourds. Or chacun, justement, sait jusqu’où il peut aller. Bogdan Paprocki campe un Franek vaillant mais jamais outré. Bernard Ładysz, qui eût été un sérieux rival d’un Siepi ou d’un Christoff s’il avait pu chanter librement à l’Ouest, est parfait en vieux soldat plein de compassion pour les malheureux jeunes gens. Antoni Majak, autre superbe clé de fa, fait juste ce qu’il faut en père autoritaire. Tout en campant un coiffeur mondain plus patricien que ridicule, Andrzej Hiolski donne évidemment une leçon de style. La Zofia de Halina Słonicka, elle, ne risquait rien : c’est un format plutôt léger, joli minois vocal, délicieuse dans sa Dumka. Le prix de l’ensemble ne tient pas moins à la direction d’orchestre, pétillante et mousseuse, pleine de couleurs, de poésie ou de verve rythmique. Dommage seulement que le Quatuor de la scène 8 soit coupé. À savourer, en tout cas.

Didier van Moere