Léna Pastor (Mimi), Alain Vanzo (Rodolphe), Willy Clément (Marcel), Irène Gromova (Musette), Xavier Depraz (Colline), Jean-Pierre Laffage (Schaunard), Henri Bedex (Benoît), Orchestre Radio-Lyrique de la RTF, dir. Georges Derveaux, réalisation : Henri Spade (télédiffusion 23 sept. 1960).
DVD FraMusica/INA FRA010. N&B, en français, restauration INA. Distr. FRA Distribution.  

 

La Vie de Bohème, et non La Bohème : il s'agit bien ici de la version française de l'opéra de Puccini, et française au carré - voire au cube.

L'équipe de chanteurs est représentative de cet âge d'or où la langue de Molière (ou de Murger, quoique revisitée) semblait couler de source du gosier des interprètes : leur élocution limpide vous rend les dialogues immédiats. Si l'on perd de facto en italianità (d'autant que la direction musicale manque de nerfs comme d'architecture, et sucre abondamment Puccini), on gagne ce sentiment de proximité qui aidait à la démocratisation de l'opéra... surtout quand il était diffusé sur une grande chaîne nationale et à cet horaire que l'on n'appelait pas encore le prime time.

Français aussi, le style vocal, d'ailleurs intimement lié à la couleur de la langue et à la diction : si l'on n'entend plus guère de nos jours ces voyelles nasales (« on », « en », « un »...) châtiées façon Comédie Française, c'est que seules des voix légères (ah, ce typique soprano français pointu, ici adouci par la délicatesse de Léna Pastor mais ailleurs acidifié par l'aigreur d'Irène Gromova) ou des émissions claires (ah, le ténor de Vanzo et sa lumière aisée !) pouvaient les composer en beauté.

L'intérêt de cette publication réside surtout dans l'hommage qu'elle constitue à deux figures du monde lyrique, Léna et Michael Rainer. Elle, princesse roumaine née Gavaritzine et passée par le chant, dont cette Mimì est un rare témoignage ; lui, soldat du débarquement né Horwitz et ayant fui l'Anschluss. Un beau texte d'André Tubeuf évoque ce couple d'imprésarios qui faisaient de leur métier une vocation, et dont l'amour fut entier à un point absolu. « Vissi d'arte, vissi d'amore » auraient-ils pu chanter...

C.C.