Michele Pertusi (Filippo II), José Bros (Don Carlo), Vladimir Stoyanov (Rodrigo, marquis de Posa), Ievgen Orlov (le Grand Inquisiteur), Simon Lim (Un frère), Serena Farnocchia (Elisabetta), Marianne Cornetti (Eboli), Lavinia Bini (Tebaldo), Gregory Bonfatti (le Comte de Lerma), Marina Bucciarelli (Une voix céleste), Filarmonica Arturo Toscanini et Chœur du Teatro Regio, dir. Daniel Oren, mise en scène : Cesare Lievi (Parme, oct. 2016).

DVD Dynamic. Notice et synopsis bilingues ital./angl. Distr. Outhere.

La vidéographie de Don Carlo(s) n'est pas si riche de références : passé Pappano/Stein à Salzbourg avec Kaufmann (et Harteros, Salminen : Sony) et Pappano/Bondy au Châtelet avec Alagna (et Mattila, van Dam : NVC Arts/Warner), chaque fois avec le Posa de Hampson et l'Inquisiteur d'Halfvarson, rares sont les captations à unir un plateau vocal de haut rang et une mise en scène digne de ce nom. La production parmesane éditée par Dynamic constitue à ce titre une très bonne surprise qu'il faut saluer.

Signalons-en d'emblée les trois défauts prégnants : d'abord une Eboli aux récurrents problèmes d'intonation, de stridence dans l'aigu et de vibrato en wobble, malgré un timbre ample aux graves profonds et de louables intentions de nuance (la Chanson du voile est une épreuve, première impression calamiteuse qui peine ensuite à se faire oublier) ; ensuite une inadéquation physique des interprètes de Carlo et Elisabetta à la juvénilité de leur personnage, rendant leur couple bizarrement mature (l'interprète d'Eboli restant, elle, encombrée d'une stature qui entrave son jeu comme sa crédibilité déjà vocalement bien entamée) ; enfin, des chœurs largement imparfaits côté femmes, entre un « Sotto ai folti » très imprécis et un autodafé aux aigus plafonnés.

Mais ailleurs, le plaisir se renouvelle en chaque instant. José Bros affiche un timbre solaire au legato soigné, très lyrique et engagé, séduisant l'oreille plus souvent qu'à son tour et créant personnage à force de beau chant ; Vladimir Stoyanov lui est un Posa bien apparié, accents mordants se fondant dans le vibrato de son partenaire ; Michele Pertusi offre un Filippo de belles prestance et autorité, face à l'Inquisiteur profond de Ievgen Orlov que le timbre de bronze et le chant altier de Simon Lim, frappant dès la première intervention du Frère, pourrait concurrencer ; et Serena Farnocchia, nonobstant une légère faiblesse du médium-grave (néanmoins soigneusement déjouée), possède la ligne du chant verdien d'Elisabetta, sa noblesse de ton, ses nuances pénétrées, et une expressivité intérieure élégamment dosée.

En fosse, Daniel Oren croque dans le théâtre vif, de chair et de palpitation : ça avance, ça chante, ça raconte plus que ça ne veut solenniser. Sur scène, Cesare Lievi use d'une scénographie sobre et juste, seulement amoindrie par quelques détails se voulant réalistes mais s'avérant d'artifice (le flagellant de la première scène, par exemple) ; mais la hauteur de vue de l'œuvre se retrouve dans cet univers funèbre qui préfère l'atmosphère aux effets et se trouve globalement dirigé sans histrionisme ni trop de laisser-aller.

Sans détrôner les références, cette version se pose en outsider attachant, témoignage d'un beau travail du Teatro Regio.

C.C.