Nadine Sierra (Adina), Liparit Avetisyan (Nemorino), Boris Pinkhasovich (Belcore), Bryn Terfel (Dulcamara), Sarah Dufresne (Giannetta). Chœur et orchestre du Royal Opera House, Covent Garden, dir. Sesto Quatrini. Mise en scène : Laurent Pelly, Paul Higgins (Londres, 28 septembre, 3 et 5 octobre 2023).
DVD Opus Arte OA1358D. 2h19. Synopsis en anglais. Sous-titres en anglais, français, allemand, italien, japonais et coréen. Distr. DistrArt Musique.
On connait bien désormais cette increvable production de L'elisir d'amore de Laurent Pelly, créée à l'Opéra de Paris en 2006 et devenue depuis un pilier de son répertoire, avec pas moins de quatre ou cinq reprises. Elle avait du reste déjà connu une captation vidéo avec sa distribution originale la même année. L'efficacité de sa mise en scène qui implante l'action dans une Italie rurale de comédie des années 1950, façon Vittorio de Sica (mais au fond, à part les scooters et quelques inscriptions, on pourrait aussi bien être en France), son caractère bon enfant, son rideau de scène genre cinéma de quartier, sa pyramide de ballots de paille où folâtrent les personnages et ses gags un peu appuyés, marchent à tous les coups. Elle a également été adoptée par le Royal Opera House de Londres où elle en était à sa cinquième reprise lorsque cette captation a été réalisée en 2023, sans doute pour immortaliser le Dulcamara du Bryn Terfel. Ce n'est pourtant pas lui qui domine le plateau de cette nouvelle version. Son charlatan se révèle certes d'un format respectable, mais c'est plus dans la théâtralité que dans les aspects vocaux qu'il s'impose, manquant un peu de cette rondeur et de cette musicalité naturelle que lui communiquent les basses bouffes italiennes comme Ambrogio Maestri, par exemple. C'est plutôt le couple vedette qui donne par sa personnalité le ton à cette reprise. Nadine Sierra compose une Adina très contemporaine, sexy mais rebelle au sentiment amoureux, dont la cruauté n'est pas un vain mot et qui tacle sans réserve le pauvre Nemorino, de façon si dure que l'on peine un peu à croire à sa métamorphose finale. Son jeu de scène très appuyé répond à une vocalité sans faille où la tessiture est pleinement assurée ainsi que la colorature, mais où une certaine âpreté se fait vite jour. Lui répond l'amoureux transi, candide et taquin, de Liparit Avetisyan, remarquable belcantiste, aussi doux que sa partenaire est âpre, et qui délivre une « furtiva lagrima » proprement lunaire au sortir de laquelle il paraît comme métamorphosé du clown des premières scènes à l'amant romantique de sa superbe romance. La distribution est complétée par le Belcore de Boris Pinkhasovich que son baryton richement timbré destine à des emplois nettement plus dramatiques, communiquant à son personnage de bravache imbu de sa personne une brutalité machiste qui crée dans le finale du premier acte une tension inédite. Des chœurs remarquablement préparés et une Giannetta plus « vieille fille » que nature complètent ce plateau aux couleurs assez spécifiques pour renouveler cette production, à quoi il faut ajouter la direction d'acteurs inventive de Paul Higgins qui en a assuré la reprise. Dans la fosse, le chef Sesto Quatrini dirige l'excellent orchestre de Covent Garden dans un registre très enlevé, donnant de la partition une version comprenant toutes les reprises et quelques passages de transition souvent coupés dans les productions traditionnelles.
A.C