Jakub Jozef Orlinski (Orfeo), Elsa Dreisig (Euridice), Fatma Said (Amore), Il Giardino d’Amore, dir. Stefan Plewniak.

Erato (1 CD). 2024. Notice en français. Distr. Warner.

Afin d’exaucer son « rêve d’étudiant » (incarner l’Orphée de Gluck), Jakub Orlinski renoue avec ses complices polonais d’Il Giardino d’Amore, renonçant au plus médiatique Pomo d’oro, avec lequel il a récemment enregistré le discutable album Beyond (Erato, 2023). Excellente idée : le contre-ténor apparaît ici remarquablement entouré. En guest star, Elsa Dreisig, mozartienne accomplie, belcantiste en devenir, ne fait qu’une bouchée du rôle trop court d’Eurydice : timbre lumineux, aigus dardés, féminité ardente. Ajoutons-y une élocution superlative qu’elle partage avec l’autre soprano, Fatma Said, à la voix tout aussi séduisante bien que plus mate, plus proche de celle d’un garçonnet, comme il convient au petit dieu Amour, qu’elle gratifie de mutins ornements.

À la tête d’un orchestre racé, nerveux, d’une trentaine de musiciens, Stefan Plewniak réussit la gageure de renouveler notre compréhension d’une œuvre très fréquentée, surtout au fil des actes extrêmes : par un jeu subtil sur la dynamique, l’accélération/décélération, la durée des silences et les attaques, le premier se dote d’une ambiance gothique et sinistre qui n’a plus rien de la mièvrerie qu’on lui associe trop souvent, tandis que la confrontation entre Eurydice et Orphée, très dramatique, échappe au topos de la scène de ménage. L’acte II s’accommode moins bien de ce quasi-expressionnisme, en partie à cause d’une prise de son qui ne met guère en valeur la harpe, lors de la scène des furies, et le hautbois soliste, aux Champs-Elysées – et un rien de langueur et de sensualité supplémentaires ne messiérait pas à « Che puro ciel ». Expressif et bien charpenté (puissantes basses), le chœur est relégué au loin par la prise de son, qui le nimbe d’une inévitable réverbération  dommage.

Reste le falsettiste qui, avouons-le, ne nous a jamais totalement conquis à l’opéra, alors que ses enregistrements de motets (de Zelenka, notamment) sont fort beaux. La fameuse octave descendante sur le cri initial (« Euridice ! »), habilement négociée, laisse espérer que le timbre s’est corsé, tandis que les récitatifs accompagnés, bien conduits, révèlent une amélioration de la diction. Hélas, le bas médium reste blanc, dépourvu de chair comme de vibration, ce qui, dans le cantabile, génère des sonorités plaintives, presque geignardes, acceptables dans « Che faro senza Euridice », plus problématiques aux enfers. Bizarrement, la voix d’Orlinski ne dégage pas cette énergie que semble promettre son physique d’athlète : peut-être devrait-il travailler davantage son registre de poitrine (naturel) pour lui conférer l’étoffe qui lui manque.

 

O.R