Malin Byström (Floria Tosca), Joshua Guerrero (Mario Cavaradossi), Gevorg Hakobyan (il barone Scarpia), Martijn Sanders (Cesare Angelotti), Federico de Michelis (Il Sagrestano), Lucas van Lierop (Spoletta), Maksym Nazarenko (Sciarrone), Alexander de Jong (Un carceriere), Chœur de l'Opéra néerlandais, Nouveau chœur d'enfants d'Amsterdam, Orchestre philharmonique des Pays-Bas, dir Lorenzo Viotti. Mise en scène : Barrie Kosky (Amsterdam, Opéra national, 3 et 6 mai 2022).

DVD Naxos 2.100752. 2h05. Notices et synopsis en anglais. Distr. Outhere.

Barrie Kosky a eu la main un peu lourde dans sa mise en scène de Tosca. Certes, le drame historique de Puccini peut facilement être rangé dans la catégorie des opéras véristes mais pourquoi le surcharger ainsi de détails « réalistes » jusqu'à frôler parfois le « grand guignol », en y faisant ruisseler l'hémoglobine. Dans cette transposition contemporaine, tout paraît excessif sans pour autant ajouter quoi que ce soit au climat oppressant qui règne déjà dans le livret original. Passons sur le jeu assez appuyé des protagonistes qui, sans doute, se justifiait mieux sur scène qu'à l'écran, mais pourquoi faire apparaitre l'Angelotti dans un état de dégradation tel qu'on imagine mal qu'il ait pu s'échapper du Château Saint-Ange et arriver jusqu'à Sant'Andrea della Valle. Est-il besoin que les sbires de Scarpia passent à tabac le sacristain (devenu dans cette version un jeune prêtre en soutane) pour faire comprendre la terreur que fait régner le chef de la police à son arrivée dans l'église ? Au dernier acte, l'image de Cavaradossi, enchaîné et couvert de sang, une main détruite (un doigt lui a été arraché pendant l'interrogatoire du II), si elle fait sentir toute la violence de l'histoire et le pathétique du sauvetage illusoire final, paraît quand même un rien forcée. On admettra que le deuxième acte qui montre Scarpia dans une sorte de bureau-cuisine high tech, se découpant lui-même des sashimi (ce qui justifie la présence d'un impressionnant râtelier de couteaux meurtriers) et dégustant des vins raffinés est assez réussie, d'autant plus que par son physique et sa personnalité vocale, Gevorg Hakobyan lui donne beaucoup de crédibilité. Mais la prison et ses escaliers de fer du dernier acte où sont obligés de monter le peloton d'exécution pour fusiller Mario puis Tosca pour se suicider sont parfaitement absurdes. Sans doute eût-il mieux valu recycler le grand plateau nu du premier acte, avec son fond d'ombre, qui après l'église pouvait aussi bien évoquer la terrasse (du Château Saint-Ange) d'où se jette l'héroïne. Mais cela sans doute eût semblé un peu trop classique. Le scénario si bien cousu et plein de détails significatifs de Sardou ne pouvait sans doute s'accorder avec ce qui se veut, d'évidence, une évocation du totalitarisme dont l'efficacité indéniable se construit au détriment de détails dont la mise en scène n'a que faire.

Fort heureusement, l'ensemble est sauvé par une distribution très investie où la Tosca de Malin Byström, grand spinto au timbre peu italien mais très en phase avec la large tessiture, fait exister toutes les facettes de la personnalité de Tosca, de la femme jalouse un rien superficielle à la tigresse furieuse et meurtrière, face à l'implacable Scarpia du baryton arménien dont le timbre sombre et la froideur sont d'une très grande justesse. Joshua Guerrero est un Cavaradossi un rien engorgé dans son premier air, mais il offre toute la vaillance souhaitable à son « Vittoria,Vittoria » à l'acte II. Surtout, le ténor donne une version sensible et pathétique de « E lucevan le stelle » dans laquelle l'air n'est plus seulement l'évocation hédoniste d'un souvenir poétique et sensuel mais fait apparaître le fond du désespoir du personnage.

Dans la fosse, Lorenzo Viotti dirige un orchestre à la texture somptueuse, merveilleusement évocateur. Ses tempi retenus, de superbes contrastes et son sens du détail instrumental contrebalancent brillamment l'impression triviale que laisse souvent la production et la soutient pleinement dans ses moments les plus réussis.

 

A.C