Francesco Meli (Ernani), María José Siri (Elvira), Roberto Frontali (Don Carlo), Vitalij Kowaljow (Silva). Orchestre et chœur du Maggio Musicale Fiorentino, dir. James Conlon. Notice et synopsis anglais. Pas de livret. Enregistré sur le vif. Novembre 2022.

Naxos 866053435 (2 CD). Distr. Outhere.

 

Opéra charnière dans l’évolution du jeune Verdi, Ernani triomphait à sa création vénitienne en 1844 avant d’essaimer aussitôt dans une centaine de théâtres. La libre adaptation de la pièce hugolienne avait enflammé la créativité de l’auteur de Nabucco, sur la crête du romantisme post belcantiste donizettien et de la parole dramatique à laquelle il allait désormais se vouer.


Une femme ardente convoitée par trois hommes, le héros éponyme dressé contre son roi, ce Don Carlo futur Charles Quint et le féroce Silva, oncle libidineux de la belle : le livret concocté par le jeune Piave et magnifié par le compositeur ne pouvait qu’attiser les passions libertaires de la jeunesse italienne de ces temps troublés. La première de l’ouvrage aurait toutefois pu tourner au fiasco, le couple phare des créateurs réunissant un ténor enroué et une soprane en dehors des clous de la justesse ! Il est hélas à craindre que la présente captation audio, volet sonore de la vidéo naguère publiée par Dynamic, n’encoure à son tour de sérieux reproches. Francesco Meli, familier du rôle-titre qu’il incarnait notamment hier à la Scala  ou au Met, se hausse sur la pointe de ses aigus sans leur donner la plénitude expressive que le slancio verdien exige, ni ombrer quelque peu un timbre un rien prosaïque. Nous éviterons charitablement tout parallèle avec les mémorables Bergonzi, Pavarotti ou Domingo. Maria José Siri s’expose à nos réticences dès sa cavatine d’entrée, « Ernani involami ». La soprane uruguayenne privée d’un médium ici expressément sollicité ne trouve que dans la projection surjouée de son registre aigu l’affirmation de son tempérament. Les émois que susciteront en elle ses tourments amoureux et le tragique du dénouement final sauront lui inspirer de touchants accents autant qu’une impétuosité au premier degré. Là encore, motus au sujet des gravures de Callas ou de Kabaivanska. Roberto Frontali en Carlo et Vitalij Kowaljow en Silva devraient offrir le contraste d’une souveraine grandeur versus la noirceur du prédateur décati. Nous n’entendrons que virilité surlignée d’un côté et soutien défaillant de l’autre. Outre un panel de seconds rôles efficaces, l’orchestre idiomatique à son meilleur sous la direction de l’éminent Conlon, bienvenu dans ce répertoire, et les chœurs, essentiels à la trépidation des bandits aragonais, sont heureusement à la hauteur des enjeux musicaux de la partition. 

 

J.C