Reinoud van Mechelen (David), Caroline Arnaud (Jonathas), David Witczak (Saül), François-Olivier Jean (la Pythonisse), Antonin Rondepierre (Joabel), Geoffroy Buffière (l’Ombre de Samuel), Virgile Ancely (Achis), Ensemble Marguerite Louise, dir. Gaétan Jarry.

Château de Versailles Spectacles CVS 102 (2 CD). 2022. 2h. Notice en français. Distr. Outhere.

La tragédie biblique de Charpentier, créée en 1688 (peu après la mort de Lully) au collège jésuite Louis-le-Grand, avait donné lieu à deux belles versions discographiques déjà anciennes, puisque datant respectivement de 1981 (Corboz, Erato) et de 1988 (Christie, HM). Elle en méritait d’autant plus une troisième que celle-ci rectifie le principal problème de distribution entachant les précédentes.

On sait désormais que l’appellation de « haute-contre » doit désigner un ténor aigu, chantant en voix de poitrine et/ou mixte, mais non en falsetto comme le faisaient les premiers interprètes du rôle de David, les contre-ténors Paul Esswood et Gérard Lesne (altos de nature, ceux-ci se voyaient mis en difficulté dans le grave). Le premier atout de cette nouvelle lecture réside donc dans l’attribution de David à une « véritable » haute-contre, l’excellent Reinoud van Mechelen, qui, sans sacrifier sensibilité et nuances (écoutez son sublime monologue de l’acte I, « Ciel, quel triste combat ! ») s’avère capable de rendre au rôle sa dimension héroïque, trop occultée par ses prédécesseurs.

Néanmoins, en musique, il n’existe pas de recette miracle : un autre rôle de haute-contre, celui de la Pythonisse, se retrouve aussi « convenablement » distribué, c’est-à-dire confié à une voix mieux adaptée que celles des contre-ténors qui le chantaient autrefois. Pourtant, ici, correction ne rime pas avec réussite : très à l’aise dans la tessiture, François-Olivier Jean se repose sur sa jolie voix sans se soucier d’incarner sa partie. Avec des timbres moins séduisants, sujets aux décrochages de registres, René Jacobs et Dominique Visse donnaient vie à des sorcières plus convaincantes !

Le reste de la distribution n’appelle guère de reproche. David Witczak, voix et diction tranchantes, campe un Saül féroce, peu à peu rongé par la paranoïa (magnifique acte III), moins extraverti mais pas moins touchant que ses prédécesseurs – et dont le timbre contraste parfaitement avec ceux, plus ombreux, des deux autres basses (Bussière et Ancely). L’émission translucide, droite, boyish de Caroline Arnaud convient à son personnage d’adolescent (seuls des garçons créèrent l’ouvrage) tandis que celle, corsée, de la taille Antonin Rondepierre sied au méchant de l’histoire.

À la tête d’effectifs comparables à ceux des Arts Florissants (mais d’un chœur aux sonorités plus neutres) Gaétan Jarry propose une lecture moins morcelée que celle de Christie, un peu précipitée dans les divertissements, mais superbe de tension dans les « scènes » (gestion des tempi et silences) et d’une grande puissance d’évocation dans les préludes (début de l’acte IV). On regrettera parfois un continuo bavard et, surtout, des basses très nourries (deux violoni, deux basses de violon, deux violes de gambe), qui incitent certains interprètes à « trop chanter ». Dommage, car il y a fort peu de récitatif dans David et Jonathas, qui ne fut pas conçu comme un ouvrage indépendant mais comme une succession de six frappants tableaux s’insérant entre les actes d’une tragédie récitée (en latin).

Malgré ces légers défauts, cette interprétation (que l’on peut aussi goûter en Blu-Ray, dans la délicieuse scénographie « à l’ancienne » de Marshall Pynkoski) fera désormais référence.

 

O.R