Marina Viotti (Angelina) et Levy Sekgapane (Don Ramiro). © Vincent Pontet

Les contes, dans la simplicité de leur narration, par leur universalité morale, et enfin la caractérisation des personnages, constituent des ouvrages plastiques, à lire et relire, transformer ou transposer. Seule la part du merveilleux peut se dérober à la variation, la solution la plus simple demeurant encore de l’assumer franchement, ce à quoi Damiano Michieletto se livre avec délicatesse et brio. Alidoro, descendu sur terre d’un ciel magique, est le grand ordonnateur du triomphe de la bonté. Tantôt amour, tantôt mendiant, il enchante la réalité banale de la cafétaria de Don Magnifico où Angelina fait le ménage, puis la villa design de Ramiro. Michieletto relève la mise en scène de quelques gags bien trouvés et de beaux tableaux, sans abuser ni de l’un ni de l’autre, avant toute chose il fait confiance au livret en proposant une véritable direction d’acteurs (assumée ici par Elisabetta Acella, chargée de la reprise du spectacle) rythmée et inventive, précise dans la caractérisation des émotions et des personnages (le coup de foudre entre Ramiro et Angelina est superbe de vérité et sans aucune mièvrerie).

Le plateau vocal se prête bien au jeu que lui propose la direction scénique, mais se révèle inégal. Marina Viotti domine la distribution, tant par la sensibilité, la douce tristesse qu’elle distille dans un chant au phrasé raffiné, que par la virtuosité brillante du canto fiorito. En outre, l’instrument ambré est parfaitement homogène et sonore… de quoi combler l’amateur de voix. Son prince, Levy Sekgapane, assume certes les aigus sans difficulté, mais la ligne manque de cohérence – les duos où l’un et l’autre échangent les mêmes phrases sont d’ailleurs cruels pour le ténor tant la différence est saisissante ! Peter Kálmán (Don Magnifico) est rompu au style et à la vis comica rossinienne, ce qui n’est pas le cas du Dandini d’Edward Nelson au timbre pourtant intéressant. Alexandros Stavrakakis prête sa longue et belle voix au personnage d’Alidoro, mais le personnage reste un peu générique, manquant du relief qu’apporte un fraseggio plus attentif aux variations de caractère. Alice Rossi (Clorinda) et Justyna Ołów (Tisbe) sont bien appariées pour camper avec truculence le duo de chipies.

Enfin, la direction de Thomas Hengelbrock ne manque pas d’énergie théâtrale. Attentif au plateau, on attendrait parfois qu’il prenne plus d’ascendant face aux chanteurs, il mène le récit en fonction du chant plutôt que d’une dramaturgie sous-jacente. Surtout, l’orchestre déçoit, les couleurs sont éteintes et les bois ne manquent pas de nous gratifier de quelques « canards » certes inhérents aux instruments anciens, mais qui pourraient être mieux contenus. Au contraire, le chœur Balthasar Neumann ravit par la précision d’ensemble, l’homogénéité des couleurs et les talents d’acteurs de ses membres !

J.C.


© Vincent Pontet