Filippo Mineccia (Orphée). © Rosellina Garbo

La césure estivale de l’institution palermitaine a pris fin avec une nouvelle production d’Orfeo ed Euridice, car c’est bien la version de Vienne (1762) en italien qui est présentée ici, toutefois on y a ajouté le trio final et la chaconne de la version de Paris. Néanmoins, la mise en scène ne fait pas grand-chose de cet ajout qui semble plus décoratif que discursif, et la morale finale de l’histoire projetée sur un tulle confirme le parti-pris tiède de Danilo Rubeca : qu’Eurydice revienne importe peu, amour et mort se transforment l’un en l’autre... discours d’autant plus illisible qu’Eurydice retournée parmi les vivants joue à la balançoire pendant qu’Orphée dit adieu au manteau que lui a confié Amour pour descendre aux Enfers, comme s’il avait fini par mieux aimer l’ombre en éprouvant son désir à travers la perte. Le dispositif scénographique est extrêmement dépouillé, des voilages suspendus délimitent l’espace scénique qu’anime une tournette où les artistes du chœur et les danseurs sont habilement disposés. Les arêtes d’une structure cubique découpent encore l’espace en s’abaissant puis en disparaissant dans les cintres, enfin un arbre enraciné au début et à la fin et déraciné pendant l’ensemble du spectacle signale le retour à la vie.
 
Rien de tout cela n’est gênant ni n’entrave la compréhension du livret, mais est simplement parfaitement dispensable. On éprouve d’ailleurs à peu près la même sensation à l’écoute de la musique. Filippo Mineccia dispose d’un instrument inégal – les graves sont éteints – ce qui le conduit à surjouer la puissance dans le registre aigu, au risque d’une mauvaise gestion du souffle et d’une ligne heurtée. Son entrée à l’acte II est plus homogène, mais il ne retrouve pas la même sensibilité par la suite. Nofar Yacobi semble en retrait dans le rôle d’Amour et Federica Guida livre une prestation honnête en Eurydice. Ces artistes, au demeurant investis et appliqués, auraient sans doute gagné à être dirigés par un metteur en scène et un chef sachant mieux raconter une histoire. En effet, Gabriele Ferro, directeur musical honoraire du Massimo, dirige avec pesanteur et sans sens du théâtre. Pourtant, il dispose d’un très bel instrument et l’orchestre de l’opéra compense la lourdeur de la direction par une légèreté de couleurs et des pianissimos superbes qui mettent en valeur l’acoustique exceptionnelle du théâtre et font oublier quelques erreurs de justesse. En observant le chef, on aura fait l’expérience étrange d’admirer un éminent technicien maîtrisant son orchestre à la perfection pour mettre en œuvre une interprétation à laquelle on demeure insensible.

J.C

© Rosellina Garbo