Waltraud Meier, Robert Dean Smith, Jan-Hendrik Rootering, Anna Caterina Antonacci, Royal Concertgebouw Orchestra, dir. Riccardo Chailly.
Decca 4851367. 11 CD. 2021. Présentation trilingue (angl., all., fr.). Distr. Universal.
Voici tous les enregistrements stravinskiens de Riccardo Chailly, à la tête d’orchestres de la plus haute lignée, avec parfois deux versions d’une même œuvre, du Chant funèbre de 1908 à la mémoire de Rimski-Korsakov, récemment redécouvert, au dodécaphonique Agon de 1957. Pour le chef, ce sont aussi, de 1979 à 2011, plus de trente ans de carrière. Les lecteurs de l’ASO savent que son Rake’s Progress, n’était l’Anne pâlichonne de Cathryn Pope, se situe au sommet de la discographie, avec le Tom de Philip Langridge et le Nick de Samuel Ramey – et la Baba d’Astrid Varnay. Ils seront curieux de son Oedipus rex, qui les décevra. Si l’orchestre et le chœur amstellodamois font merveille, si le maestro, loin de s’engoncer dans un néoclassicisme figé, dirige en chef de théâtre et maintient une implacable tension, la Jocaste de Waltraud Meier et l’Œdipe de Robert Dean Smith restent étrangers à l’écriture de leur rôle, elle empêtrée dans le chant syllabique rapide, lui trop tendu dans le passage. Ajoutez un Jan-Hendrik Rootering fatigué, un récitant s’exprimant en néerlandais... La consolation vient aussitôt d’un Pulcinella pétillant de verve et d’élégance, où brille le soprano d’Anna Caterina Antonacci. Pour le reste, voici un Stravinsky assez latin, sans l’âpreté de certaines approches, souvent plus axées sur le rythme que sur la narration – les deux versions du Sacre du printemps sont plus jubilatoires que sauvages, Petrouchka s’avère, par la beauté des couleurs, un des plus beaux qui soit, la suite de l’Oiseau de feu, entre éclats et chatoiements, a d’irrésistibles séductions. On déguste également un Octuor épicé, un Apollon musagète solaire. Les ennemis du sérialisme ne résisteront pas à un Agon aussi délié et aussi bondissant. Et il y a d’autres pépites dans cette Stravinsky Édition de Riccardo Chailly, comme un savoureux Jeu de cartes.
Didier Van Moere