Le grand succès de la nouvelle production des Noces de Figaro au Théâtre des Champs-Élysées à l’automne dernier dans une mise en scène très classique du cinéaste new-yorkais James Gray - qui n’est pas sans rappeler celle de Giorgio Strehler à l’Opéra de Paris en 1973 - se prolonge dans les théâtres qui en ont assuré la coproduction, en premier lieu à l’Opéra national de Lorraine.

La chaleur et la durée prolongée des applaudissements lors de la seconde représentation saluait tout autant l’élégance des costumes, dessinés par Christian Lacroix, que la qualité d’une distribution homogène, un peu plus jeune qu’à Paris mais équivalente en tous points : Lilian Farahani, impeccable Susanna vif-argent, Giuseppina Bridelli, Cherubino ensorcelant (dès son premier air pris à un train d’enfer) et Adriana Gonzalez touchante Comtesse, fragile et hardie, sont au printemps d’une belle carrière. De même, côté mâles, Mikhail Timoshenko, Figaro de haut vol, de jeu comme de projection et Huw Montague Rendall (Almaviva) brutal et pathétique - exact pendant de la Comtesse - ne le cédant guère à Stéphane Degout qui dominait nettement aux Champs-Élysées. À signaler, dans les figures secondaires, deux chanteuses bien différentes : Marie Lenormand qui confère au rôle souvent sacrifié de Marcellina une humanité sensible, et Élisabeth Boudreault (Barbarina) dont la voix ronde et le timbre velouté ne pêchent que par excès, s’agissant d’une petite paysanne…

Le public a été sensible aussi à la finesse d’une direction d’acteurs peut-être davantage serrée qu’à Paris. Les personnages ont semblé plus organiquement incarnés, tant sur le plan individuel qu’engagés dans leurs rapports avec leurs partenaires avec cette étincelle de vie communicative qui ne s’explique guère ; peut-être la reprise assurée par Olga Poliakova n’y est-elle pas étrangère.

Invité pour la première fois à diriger l’orchestre de l’Opéra national de Lorraine, Andreas Spering a dû demander davantage à ces musiciens non spécialisés que Jérémie Rhorer aux membres du Cercle de l’Harmonie « historiquement informés » qui auréolaient les représentations parisiennes ; une exigence qui a valu à Andreas Spering d’être largement payé de retour.

Seul point commun, la présence au pianoforte de Paolo Zanzu, assistant à la direction musicale : merveilleux improvisateur, ses riches interventions contribuent à la fluidité de la mise en scène. En habit d’époque, coiffé d’une perruque poudrée et plume d’oie à la main, il doit mimer pendant les airs le compositeur en train de les écrire, occupation fastidieuse et parfaitement inutile, invisible de la plupart des spectateurs et « historiquement désinformée ». Pourquoi cela ? Pour faire parler les curieux, comme on répondait naguère aux enfants.

 

Gérard Condé

À lire : notre édition des Noces de Figaro : L’Avant-Scène Opéra n° 314


Lilian Fahrani (Susanna) et Mikhail Timoshenko (Figaro)
Photos : C2images / Opéra national de Lorraine