Photo : Gilles Abegg

La nouvelle production dijonnaise de Simon Boccanegra s’ouvre et se clôt sur la même image : dans un grand cube encadré de néon, le cadavre pendu de Maria Fieschi se balance tandis qu’à côté de lui piaffe un véritable cheval entravé. Est-ce le résumé symbolique du destin du protagoniste pris entre sa culpabilité et la tentation de la fuite ? C’est dans cet espace noyé d’obscurité que Simon disparaîtra au final, rejoignant enfin cette femme morte pour lui dont le souvenir sous forme d’ombre projetée le hante pendant toute la pièce. Entre-temps, Philippe Himmelmann aura tracé l’arc de sa destinée dans les murs d’un « palais » sinistre aux murs aveugles, éclairé par un seul plafond zénithal, dont le trône est un vulgaire fauteuil de bureau et le seul souvenir de la vie aventureuse du héros, une marine oblongue dont les couleurs changent au fil des scènes. Dans cet univers gris et oppressant s’affrontent patriciens en costume-cravate et plébéiens en jeans et blouson de cuir, dans une transposition contemporaine assez banale où les revolvers ont remplacé les épées et les poignards. Rien de bien nouveau sous le soleil dans cette mise en scène qui peine un peu à donner relief et cohérence au livret compliqué de Piave revu par Boito. En dehors des retrouvailles d’Amelia avec son père et du dernier tableau où le palais se transforme en morgue, peu de scènes parviennent à émerger de la monotonie ambiante et d’une direction d’acteurs très conventionnelle.

Pour nous sortir de cette grisaille généralisée il y a heureusement un plateau de haut niveau soutenu par la direction raffinée et superbement dramatique de Roberto Rizzi Brignoli. On retiendra en tout premier le somptueux lirico-spinto de Keri Alkema, une Amélia de grand format au grave chaleureux et à l’aigu subtil et moelleux. Le ténor brillant et corsé de Gianluca Terranova donne un relief inhabituel à Gabriele Adorno, un rôle souvent sacrifié, tandis que la solide basse de Luciano Batinic dessine un Fiesco puissant et marmoréen. Chanteur stylé, Vittorio Vitelli est plus convaincant dans la hargne du jeune Boccanegra révolté que dans la magnanimité du Doge vieillissant, pour lequel lui manque encore un peu d’épaisseur vocale. Malgré son engagement scénique, Armando Noguera transformé en nervi fasciste devra encore gagner en noirceur pour incarner de façon convaincante Paolo Albiani, ce Jago en puissance, tandis que la basse de Maurizio Lo Piccolo donne un beau relief au rôle épisodique de Pietro. Si l’acoustique de l’auditorium favorise le volume des voix, elle semble parfois amener les chanteurs à pousser leur émission, ce qui nuit un peu à la qualité des timbres. D’une belle homogénéité, le chœur de l’Opéra de Dijon apporte une contribution bienvenue à un spectacle certes original mais au climat un peu atone.

A.C.

A lire : Simon Boccanegra / L’Avant-Scène Opéra n° 19


Photo : Bobrik - Opéra de Dijon.