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Patrizia Ciofi (Violetta).

Très attendue pour les fêtes, La Traviata se joue à guichets fermés avec un succès public qui ne se dément pas. Dès les premières page du prélude la direction de Pier Giorgio Morandi, à la tête de l’Orchestre philharmonique de Strasbourg, se manifeste dans l’art subtil des transitions : les motifs semblent s’enchaîner par tuilage, comme s’ils découlaient organiquement les uns des autres.

Dans le décor symbolique de Vincent Lemaire — un long miroir déformant où le reflet des acteurs devient caricatural et un vieux piano à queue noir sur lequel mourra Violetta – la mise en scène ne se fourvoie pas dans une énième relecture. Les costumes, très esthétiques, conçus par Christian Lacroix, évoquent l’Entre-deux-guerres plutôt que la monarchie de Juillet ; ce pourrait être une piste, mais Vincent Boussard s’en tient à l’histoire, comme déjà pour Louise et L’amico Fritz sur cette même scène, avec toutefois moins d’invention et d’efficacité. Si la solitude de Violetta est explicite, elle ne se déduit pas assez de ses rapports avec son entourage. L’espèce de froideur qu’on sent dans cette production affaiblit la dramaturgie plus qu’elle ne la sert.

Et l’héroïne ? Patrizia Ciofi (en alternance avec Ana-Camelia Stefanescu) s’est imposée depuis plus de vingt ans comme une artiste sensible, parfaite musicienne, à la voix légère et touchante. Mais autant la magie de ses pianissimos illuminent l’ensemble de la représentation, autant ses efforts pour assurer la partie tragique (bas-médium, nuances mezzo-forte ou forte) sont trop sensibles pour que la cantatrice se fasse oublier derrière le personnage : le malaise de l’interprète l’emporte sur la souffrance de Violetta. Son énergie et son intelligence sont moins menacées dans d'autres rôles.

De moindre envergure artistique et dramatique, Roberto De Biasio possède les moyens du rôle d’Alfredo. Seulement voilà : outre une tendance aux intonations approximatives, il lui manque ces accents qui touchent et suscitent l’empathie. Le Germont d’Etienne Dupuis est d’une autre stature : voix superbe, musicalité, engagement. Néanmoins on le sent trop jeune encore pour jouer les pères. Ce n’est pas une critique, juste une constatation. On est heureux de retrouver René Schirrer (Grenvil) toujours égal à lui-même, de voir s’affirmer la personnalité de la mezzo-soprano Lamia Beuque (Flora), membre de l’Opéra-Studio révélée dans La Colombe et Le Mariage secret, et poindre le talent de Dilan Ayata (Anna). Sans oublier les petits rôles d’une excellente tenue et le chœur, dirigé par Sandrine Abello, dont les mérites ne sont plus à vanter.

G.C.

La Traviata : L’Avant-Scène Opéra n° 51


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Etienne Dupuis (Germont), Roberto De Biasio (Alfredo) et Patrizia Ciofi (Violetta). Photos : A. Kaiser / OnR.