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Luca Grassi (Germont) et Myrtò Papatanasiu (Violetta). Photo Yves Renaud.


Pour inaugurer sa saison 2012-2013, l'Opéra de Montréal propose une nouvelle production de La Traviata dont l'action se déroule, selon les notes du programme, dans les années 1910-1920. En font foi les élégants costumes de Gail Bakkom qui s'inspirent des lignes épurées de Paul Poiret ou de Jeanne Lanvin et qui habillent à merveille l'interprète de Violetta, la soprano grecque Myrtò Papatanasiu. Moins heureux, les décors de Tom Mays tiennent à la fois du néoclassicisme le plus monumental et de l'Art nouveau. Il faut reconnaître que le gigantisme de ces décors convient bien peu aux salons de Violetta et de Flora, qui semblent avoir élu domicile dans d'immenses palais aussi froids qu'impersonnels. De même, la maison de campagne du deuxième acte a des allures de Trianon, comparaison d'autant plus inévitable que les toiles peintes représentent d'immenses jardins à la française bien peu en accord avec une retraite rustique.

Pour tirer parti de cet espace plutôt insolite, il eût fallu un metteur en scène autrement inspiré que Michael Cavanagh, dont la direction d'acteurs laisse à désirer et qui ne sait guère comment animer les scènes de foule. Ainsi le chœur ne trouve rien de mieux à faire pendant le brindisi du premier acte que de tourner dans un sens puis dans un autre autour de Violetta et Alfredo. La scène des gitanes et des matadors chez Flora manque singulièrement de vivacité, de couleurs, de relief. Et que dire du tableau suivant : après qu'Alfredo eut lancé en l'air ses énormes billets de banque rouges pour humilier Violetta, tous les membres du chœur l'imitent en guise de réprobation dans un geste pour le moins étonnant... Pour marquer les temps forts de l'action, le metteur en scène demande constamment à Violetta ou Alfredo de se mettre à genoux, ce qui devient lassant, vide de sens. Il trouve en outre le moyen de distraire complètement l'attention du spectateur pendant tout le début du duo entre Violetta et Germont en raison de la présence intempestive des domestiques Annina et Giuseppe.

Fort heureusement, l'équipe de chanteurs sert globalement très bien la musique de Verdi. Le ténor Roberto De Biasio campe un Alfredo racé, au jeu distingué, et dont la voix se prête aussi bien aux passages tout en suavité des premier et troisième actes qu'à l'éclat de sa cabalette. Dans le rôle de Germont, Luca Grassi fait entendre une voix manquant certes de rondeur et d'harmoniques, mais largement compensée par une grande intelligence musicale. Son jeu assez raide convient bien au personnage de bourgeois bien-pensant engoncé dans sa morale étriquée. Reste le cas de Myrtò Papatanasiu. Le premier acte la trouve en méforme : belle voix, mais justesse parfois prise en défaut, sens du rythme souvent fantaisiste, voix manquant d'homogénéité, aigus stridents et attaqués sous la note. La fin de « Sempre libera » est carrément gâchée par une fausse note tonitruante. Fort heureusement, la suite de l'opéra permet de mieux apprécier son talent. Sa confrontation avec Germont est touchante, encore que « Dite alla giovine » pourrait être davantage murmuré. Mais c'est au dernier acte qu'elle se révèle véritablement dans un magnifique « Addio del passato » aux accents déchirants et en parfait contrôle vocal.

À la tête de l'Orchestre Métropolitain, Fabrizio Maria Carminati dirige en vieux routier qui connaît sa partition sur le bout des doigts. Un peu trop complaisant envers sa Violetta, qui a tendance à ralentir, il offre une interprétation sans bavure, mais dépourvue de grands élans lyriques, comme l'illustrent les deux préludes ou le finale du deuxième acte, d'une précision confinant à la sécheresse. Un peu à l'instar du metteur en scène, le chef peine à imprimer sa marque à cette Traviata, qui permet néanmoins d'entendre trois artistes aux mérites indéniables.

L.B.

Voir notre édition de La Traviata, ASO n° 51.