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Colin Balzer (Il Podesta), Ana Maria Labin (Arminda), Julian Pregardien (Il Contino Belfiore), Sabine Devieilhe (Serpetta), Layla Claire (Sandrina), John Chest (Nardo).

 

Jolie idée de programmation que, selon les mots de Bernard Foccroulle, cette « Fausse Jardinière dans un vrai jardin » : le Domaine du Grand Saint-Jean sied bien à cette intrigue où une marquise se déguise en jardinière, et où un vent de folie ariostienne souffle sur tous les protagonistes égarés dans la forêt voisine. La mise en scène de Vincent Boussard prend un risque acoustique en plaçant le plateau perpendiculairement à la bastide, avec un mur de pierre côté jardin mais un fond de scène ouvert sur le parc arboré ; le déséquilibre sonore déjà inhérent au lieu (l’orchestre, très en avant, reste hétérogène) souligne d’autant plus les disparités de projection de la distribution : la Serpetta nuancée et fine musicienne de Sabine Devieilhe est peu sonore ; le ténor de Colin Balzer, Podestat très bouffe et burlesque – presque trop – parfois éteint ; John Chest (solide et amusant Nardo) et Julien Prégardien (Belfiore lunaire mais un peu droit) ont en revanche tendance à forcer leurs moyens. Sans souci acoustique quant à elles, l’Arminda vive et fougueuse d’Ana Maria Labin, le Ramiro pénétré et de beau timbre de Julie Robart-Gendre (un rien en arrière toutefois dans les tempi) ainsi que – un cran au-dessus de tous les autres – la remarquable Layla Claire : voix fruitée, timbre plein, vocalité insolente et aboutie, elle rend honneur à la partition d’un Mozart de 19 ans qui dessinait déjà, avec la « marquise-jardinière » Sandrina, un portrait musical de femme complexe, surprenante, palpitante.

La production et son directeur musical Andreas Spering ont coupé près d’une demi-heure de musique de cette Finta giardiniera, sans que cela nuise à une partition souvent longue au livret redondant. En retour, plus l’intrigue se noue de façon déraisonnable, plus les récitatifs sont tirés vers l’onirique, avec l’aide de la nuit tombant sur le Grand Saint-Jean : répliques distendues, silences prolongés, gestuelle suspendue tournent résolument le dos au buffa trépidant. C’est un autre pari risqué : on frôle souvent le ralenti artificiel mais, la plupart du temps, une vraie atmosphère se crée, grâce à une direction d’acteurs chorégraphique et fantaisiste, et à une scénographie fraîche et économe – un plateau-miroir et quelques accessoires stylisés ou décalés. Andreas Spering, direction tenue et vigoureuse, laisse s’épancher les personnalités d’un Cercle de l’Harmonie tout feu tout flamme, entre deux Noces de Figaro à l’Archevêché, certes un peu à nu ici mais plein de verve et de vie – beau continuo de Frank Agsteribbe (pianoforte) et Emmanuel Balssa (violoncelle). Une Fausse jardinière pleine de vérité et de fraîcheur.

C.C.

Lire aussi notre édition de La Finta Giardiniera, ASO n° 195.


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Photos Patrick Berger/ArtComArt.