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Céline Laly (Varvara) et Kelly Hodson (Katia).

 

Kat’a Kabanova, le plus étreignant des opéras de Janacek, réduit à un opéra de chambre ? On avait déjà fait l’expérience avec La Petite renarde rusée, naguère, à Aix en Provence, passionnante adaptation de ce micro univers panthéiste où la somptuosité de la partition perdait beaucoup de son sourire et de son impact malgré une réduction  instrumentale parfaite.

En est-il de même pour Kat’a ? Réduite cette fois par Irène Kudela à un piano seul, la partition orchestrale perd bien entendu son envahissante  somptuosité, ses moires ineffables, ses élans propres, tout ce bain sonore qui ne sont pas pour rien dans la magie de l’œuvre. Demeurent heureusement, sous les doigts de Nicolas Chesneau, son atmosphère propre, son charme mélodique, et même une part de  sa puissance  expressive. Mais cette dernière est surtout reportée aux voix. Danger, elles sont ainsi exposées à nu, sans bouclier aucun. Avantage, on ne peut tromper son monde, ni cacher son absence de théâtralité comme dans le système de la scène lyrique classique.

André Engel l’a bien compris, qui expose clairement que le rapport au public dans un lieu aussi intimiste que les Bouffes du Nord est totalement  différent ; proximité du spectateur qui impose que le jeu soit juste, que l’acteur soit vrai, et que le chant, libéré de la fameuse bataille contre l’orchestre roi, s’expose sans fard, dans cette autre vérité qu’est la nudité.

Et ce soir, c’est ce qui fait que l’on reste passionné. Même si pour certains de ces jeunes chanteurs  il reste encore à parfaire, aucun ne nous laisse indifférent dans la prise en charge de son rôle. Quelques artifices de plateau (un escalier, une terrasse, la moitié d’un sigle vertical indiquant la terre - le fleuve - beaucoup plus bas, derrière) pour que la nudité ne soit pas seulement le vide, suffisent amplement : ce sont ces chanteurs, et non l’environnement, qui prennent tout en charge. On saluera d’abord la Katia de Kelly Hodson, mince, gracile, comme apeurée, se jetant bientôt dans le bonheur avec  grâce, dans la mort avec densité. Et prenant la partition à bras la gorge. Tous les autres, la Kabanicha volontaire d’Elena Gabouri, le Boris classique de Paul Gaugler, le très poétique Koudriach de Jérôme Billy, l’affreux Dikoj de Michel Hermon, la vibrante Varvara de Céline Laly  sont la démonstration juste que l’opéra reste un investissement personnel, voix et corps, qui peut aller bien au delà de la convention quand un directeur d’acteur sait jouer de cette matière brute, mais précieuse.

Une vraie réussite.

P.F.


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© Richard Schroeder