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Igor Bakan, Maxim Paster, Dimitri Polkopin.


C’est l’Opéra des Flandres, en coproduction avec le Théâtre d’Erfurt, qui a eu la primeur de la création en Belgique de Tsjarodejka (L’Ensorceleuse), opéra de Tchaïkovski créé au Théâtre Mariinsky de Saint-Pétersbourg en 1887. Une œuvre à découvrir certes, mais au prix d’une mise en scène un peu rude.

Composé d’après une légende de Nizjni Novgord, sur un livret d’Ippolit Vassiljevitsj Sjpazjinski, Tsjarodejka, autant drame familial que comédie sociale, a une intrigue complexe, véritable défi pour un metteur en scène. Tout commence dans l’auberge de Nastasia, repaire de contestataires de tous poils. Le Gouverneur de la ville, amoureux de la belle Nastasia, tente de faire fermer l’auberge mais succombe à son charme ensorcelant. Sa femme, se sentant délaissée, complote une terrible vengeance à l’aide de leur fils Joeri. Ce dernier va aussi succomber à l’Ensorceleuse, compliquant sérieusement et le drame et la vie de son père. La femme du Gouverneur aura raison de l’Ensorceleuse grâce à un philtre empoisonné. Elle meurt donc dans les bras de Joeri lequel périt sous les coups de son propre père. On voit que l’on n’est plus chez Pouchkine et que tous les éléments (séduction, intrigues, luxe, luxure, poison, meurtre) sont réunis pour une série télévisée américaine à la Dynastie. La Berlinoise Tatjana Gürbaca, qui a déjà signé les mises en scènes de Mazeppa et d’Eugène Onéguine à l’Opéra des Flandres, n’a pas hésité à courir ce lièvre-là et sombre dans la plus banale des parodies de soap opera. Dans son auberge transformée en repaire de terroristes : fêtards nus et étudiants contestataires, très Allemagne années soixante – une chatte n’y retrouverait pas ses petits. Chez le Gouverneur, l’esthétique post-soviétique « nouveaux riches » sent l’influence du théâtre russe moderne, mais n’est pas Tcherniakov qui veut… Coûte que coûte, Gürbaca fait tenir son dernier acte dans un cirque, provoquant un dérapage total de la compréhension de l’histoire. Un vrai gâchis car l’œuvre mérite mieux que cela pour une première présentation, avec sa formidable partition d’orchestre qui réserve au chant de grands morceaux de bravoure et ses ensembles très réussis, dans une veine mélodique jamais défaillante.

Dmitri Jurowski, tout nouveau chef principal du Vlaamse Opera, porte l’œuvre à bout de bras, de façon parfois trop sonore mais avec une science parfaite des contrastes. Dominée par la Tsjarodejka de la soprano lituanienne Ausrine Stundyte – large et beau timbre aux accents très dramatiques –, la distribution quasi entièrement russophone comporte de très belles voix utilisées trop souvent en force. C’était particulièrement vrai pour le Gouverneur de Valery Alexeev, son épouse Olga Savova et leur fils Viktor Lutsink. Le chœur du Vlaamse Opera était très bien préparé.

O.B.


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Tatiana Pavloskaya et le Chœur. © Vlaamse Opera / Annemie Augustijns