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Julie Boulianne (Cherubino) et Hélène Guilmette (Susanna).

L'Opéra de Montréal entame sa saison 2011-2012 avec une reprise de sa production des Noces de Figaro, d'abord donnée à l'automne 2003. Si le scénographe Allen Charles Klein a réduit les décors à leur plus simple expression, il a en revanche dessiné des costumes d'une rare élégance qui reproduisent avec un extraordinaire souci du détail la mode vestimentaire de la fin du XVIIIe siècle. Après Bernard Uzan en 2003, c'est Tom Diamond, un habitué du Pacific Opera Victoria et de la Canadian Opera Company (Toronto), qui cette année signe la mise en scène. Son travail s'avère efficace et traditionnel, encore qu'on puisse lui faire le léger grief de priver Susanna de sa guitare pendant « Voi che sapete » et de supprimer toute esquisse de danse quand résonne le fandango à la fin du troisième acte.

À la tête de l'Orchestre Métropolitain, Paul Nadler dirige avec dynamisme et entrain la partition de Mozart, cherchant à bien traduire musicalement l'atmosphère de cette « folle journée », mais ne parvient pas toujours à éviter quelques gênants décalages entre la fosse et le plateau. La distribution possède dans l'ensemble une belle homogénéité, qui se traduit notamment par des ensembles bien équilibrés, et nous réserve quelques moments de chant inoubliables, au premier rang desquels il faut placer l'air des marronniers de Susanna. Hélène Guilmette s'y révèle frémissante, lutine, rêveuse... Elle incarne une Susanna à la présence radieuse, extrêmement attachante, et dont le timbre clair convient au rôle de façon idéale. Rarement aura-t-on vu une artiste réunissant au même degré d'excellence les qualités vocales aussi bien que scéniques. Moins douée sur le plan dramatique, l'Américaine Nicole Cabell n'en propose pas moins une comtesse au chant racé, au legato de rêve et aux aigus lumineux. On tient là sans doute une future maréchale, voire une Ariane ou une Arabella très séduisantes. Dommage que la justesse ne soit pas toujours irréprochable. Dans le rôle de Cherubino, Julie Boulianne est irrésistible de drôlerie : sa petite taille, son côté espiègle et son caractère vif-argent font merveille. La somptuosité de la voix et l'opulence d'un timbre aux couleurs sombres confèrent toutefois une maturité un peu étonnante à son adolescent, qu'on associe davantage, peut-être à tort, à des voix plus légères. En Figaro, le baryton-basse Robert Gleadow bouge avec aisance et projette bien une voix au riche medium ; l'insuffisance de ses registres grave et aigu nuit malheureusement à la force de son interprétation. Après son Werther de janvier et surtout son mémorable vampire (de Marschner) que le Festival de Lanaudière a présenté en version semi scénique en juillet dernier, Phillip Addis campe un comte Almaviva qui se distingue par ses manières raffinées et sa belle voix au timbre clair et aux superbes aigus. Manque seulement un peu de cette fatuité sans laquelle le personnage n'est pas complet. Dans les rôles secondaires, on retiendra surtout Aidan Ferguson en Marcellina bien chantante et Philip Kalmanovitch dont les quelques répliques d'Antonio permettent de découvrir un baryton très prometteur. À défaut de pouvoir quitter la salle Wilfrid-Pelletier et de disposer comme l'Orchestre symphonique de Montréal – qui vient d'inaugurer en grande pompe son nouvel auditorium – d'une salle vraiment adéquate, l'Opéra de Montréal sert au mieux de ses possibilités le chef-d'œuvre de Mozart dont elle offre une représentation somme toute fort réjouissante.

 L.B.


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Aaron Ferguson (Curzio), Aidan Ferguson (Marcellina), Phillip Addis (comte Almaviva) et Alexandre Sylvestre (Bartolo).


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Aidan Ferguson (Marcellina), Alexandre Sylvestre (Bartolo), Nicole Cabell (la comtesse), Phillip Addis (le comte), Robert Gleadow (Figaro) et Hélène Guilmette (Susanna). Crédit : Yves Renaud.