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Ambrogio Maestri (Falstaff).

Outre la reprise du Don Giovanni de Jean-Louis Martinoty, la Wiener Staatsoper ouvre sa saison avec celle du Falstaff de Marco Arturo Marelli : bonhomme et inégale, mais souriante. Ce Falstaff-là ne grince pas, et d’ailleurs ne souffre pas non plus (la scène de la forêt est la moins réussie de toutes, avec des interprètes errant sur le plateau, des « Pizzica ! » et des « Ahi ! » contredits par une absence de mouvement, de part et d’autre, frustrante). Marelli préfère la lisibilité du conte farcesque, opposant deux univers terme à terme : l’un, souterrain, celui de l’auberge – un décor un peu confus, réchauffé par des teintes de flamme et des costumes bigarrés, d’où émergera un Falstaff d’un orange éclatant, mi-bouffon mi-citrouille ; l’autre, à l’air libre, grand plateau nu et vert-bleuté qui accueillera les quelques meubles des Ford ou la forêt nocturne. Presque didactique, cette scénographie joue la carte de la couleur joyeuse voire naïve ; elle atteint parfois à la poésie, quand les silhouettes de Nannetta et Fenton se détachent aux deux bouts de l’espace ; elle se perd dans l’absence d’idée, quand le revers acide du texte Shakespearien se fait jour – c’est alors le tableau de la forêt, dont la cruauté semble tout simplement niée par Marelli, mais sans option de rechange.

Le plateau est homogène, même si Marco Caria (Ford) manque de volume et Ildikó Raimondi (Alice), d’abattage. Tous deux sont quelque peu affadis par l’ampleur vocale et la présence physique d’Ambrogio Maestri (Falstaff) et Nadia Krasteva (Meg), qui investissent leur personnage avec gourmandise et opulence. Maestri croque son rôle avec verve et s’y balade avec aisance ; il pourrait moduler plus encore son Falstaff – mais la production en fait un type plus qu’un personnage : il en sert donc surtout le côté farcesque, avec brio. Ho-yoon Chung est un Fenton assez romantique, Sylvia Schwartz une Nannetta délicieuse. Mais l’on retient surtout la Mrs Quickly de Marie-Nicole Lemieux, décidément incontournable aujourd’hui dans ce personnage qui la ravit et qu’elle habite avec une fantaisie toujours renouvelée, jouant de sa voix et de son physique avec un humour formidable. A la tête de l’Orchestre de la Wiener Staatsoper, pétulant et coloré comme les décors, Alain Altinoglu dessine un Falstaff très vif, avec des tempi parfois infernaux, et très alerte, récupérant les décalages fosse-plateau sans jamais s’assagir. C’est notamment grâce à lui que cette soirée, qui aurait pu être molle ou gentille, conserve le peps d’une comédie théâtrale enlevée.

C.C.
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Sylvia Schwartz (Nannetta) et Ambrogio Maestri (Falstaff).

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Photos :  Wiener Staatsoper / Michael Pöhn