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Lucio Gallo (Jack Rance), Eva-Maria Westbroek (Minnie) et Zoran Todorovitch (Dick). Photo Clärchen & M. Baus.


La première scène lyrique néerlandaise dont la spécialité bien établie est le répertoire du XXe siècle, a confié pour la troisième fois à l’équipe Nikolaus Lehnhoff - Raimund Bauer la réalisation d’un opéra de Puccini, son sixième et une quasi-rareté en Europe : La Fanciulla del West. Serait-ce le début d’un cycle Puccini ? On se rappelle en 1981, alors que l’Opéra d’Amsterdam se nommait De Nederlandse Operastichting et se produisit dans le Stadsschouwburg de la Leidseplein, une des plus excitantes et efficaces productions de cet opéra signée David Pountney avec Karen Armstrong. On assistait sur un plateau de cinéma au tournage de La Fanciulla, western de série B (l’opéra est quasi contemporain du premier western au cinéma). Aujourd’hui, les références à Hollywood se doivent d’avoir plus de corps et Lehnhoff, qui a réalisé à Glyndebourne en 2003 un inoubliable Tristan épuré, a fait ici avec le décorateur Raimund Bauer une adaptation contemporaine de l’œuvre. Elle y perd beaucoup de sa fraîcheur et de son indiscutable parenté avec le courant vériste. Exit le saloon La Polka remplacé par un établissement branché des bas-fonds de San Francisco dans lequel on ne reconnaît guère une communauté de mineurs dans ces hommes vêtus de cuir noir de pied en cap. Quelques références cinématographiques certes, comme la ballade de Jake Wallace chantée par un « King » en tenue blanche, ou le lion de la MGM qui apparaît en fond d’écran lors de la dernière scène. La cabane de Minnie au II, même si elle évoque plus une chambre de motel équivoque, garde caractère et crédibilité. Pourquoi pas un cimetière de voitures pour remplacer la forêt californienne au III ? Mais, quand pour le final on découvre un grand escalier hollywoodien que descend Minnie, blonde platinée en fourreau lamé rouge et que le western vire à Sunset Boulevard, on ne peut s’empêcher de penser que Lehnhoff et Bauer n’ont pas fait confiance à la simplicité de ce happy end de série B. Exit la crédibilité !

Reste la musique, bien servie par le Nederlands Philharmonic Orchestra bien rompu à ce répertoire auquel Carlo Rizzi imprime une conception plus uniformément dramatique que nuancée de la partition. Vedette maison, la Néerlandaise Eva-Maria Westbroek, dont le format colossal s’accorde mal à la silhouette à la Marilyn que l’on veut lui donner au final, a sans conteste les dimensions vocales de Minnie dont elle épouse mieux les contours dramatiques que le pur lyrisme. Zoran Todorovich (un superbe Don José applaudi la saison dernière à Toulouse) est aussi à l’aise dans le rôle à facettes de Ramerrez/Johnson qu’il chante sans forcer, avec beaucoup de conviction. Jack Rance, en revanche, qui exige les moyens d’un Scarpia, était moins bien servi par Lucio Gallo dont la projection dans cette salle à l’acoustique très favorable était peu propice aux noirceurs du rôle. Le reste de la distribution, soit les treize mineurs et la fraction masculine du chœur de l’Opéra néerlandais, ne méritent que des éloges tant vocalement que pour leur crédibilité d’acteurs dans ce spectacle où prédominent les scènes d’ensemble.

O.B.